Le président russe Dmitri Medvedev a de nouveau haussé le ton vendredi face à l'Otan, qualifiant son projet de manoeuvres militaires en Géorgie de «dangereux» et mettant un bémol à l'esquisse de réchauffement des relations avec l'Alliance.

«Je pense que c'est une décision erronée, une décision dangereuse car quand un bloc militaire ou un autre mène des jeux de guerre près d'un site où des tensions très élevées existaient il n'y a pas si longtemps (...), cela risque (de provoquer) différentes sortes de complications», a affirmé M. Medvedev en marge d'une rencontre avec son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev.

Le président a opté pour une tonalité bien plus dure que son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov la veille, qui s'était contenté d'évoquer un mauvais «signal» pour la stabilité du Caucase.

«De telles décisions sont décevantes et ne facilitent pas la reprise des contacts intégraux entre la Russie et l'Otan. Nous allons suivre de la façon la plus attentive ce qui va se passer là-bas et prendre une décision ou l'autre si nécessaire», a poursuivi le président.

La controverse fait suite à l'annonce par l'Otan de manoeuvres en Géorgie du 6 mai au 1er juin, dans le cadre de son programme de Partenariat pour la Paix dont la Géorgie est membre.

Ces exercices, auxquels vont participer 1.300 hommes de 19 pays membres et non membres de l'Otan, auront lieu à une vingtaine de kilomètres à l'est de Tbilissi, dans la zone d'entraînement de Vaziani.

La Russie a déjà demandé jeudi leur report. L'Alliance s'est immédiatement efforcée de désamorcer le conflit, qui tombe très mal, alors même que s'esquissait une tentative de réchauffement des relations entre la Russie et l'Otan.

Celles-ci étaient très dégradées suite à la promesse de l'Otan d'intégrer à terme la Géorgie et l'Ukraine et à la guerre Russie-Géorgie en août dernier.

Elle a notamment rappelé que ces manoeuvres étaient prévues depuis le printemps 2008, n'impliquaient aucun équipement lourd et surtout n'avaient «aucun lien avec la situation en Géorgie ou dans la région», a souligné un porte-parole.

Mais des analystes interrogés par l'AFP ont jugé que la réaction virulente de Moscou n'avait rien d'étonnant.

Mieux, «c'est un vrai cadeau pour ceux qui étaient opposés au rapprochement avec l'Occident», a résumé Alexeï Malachenko, analyste de la fondation Carnegie à Moscou.

Selon lui, la réaction russe est «normale, légitime, on ne pouvait pas s'attendre à une autre». Elle est d'autant plus vive que les Russes ont été pris de court, argumente-t-il: «Ils ont cru qu'il n'y aurait pas de manoeuvres en Georgie à cause du réchauffement des relations. L'irritation n'en est que plus grande».

«Les Américains ont tort, ce n'était pas le bon moment pour le faire. Les espoirs étaient si grands, et c'est comme une douche froide pour la Russie», conclut-il.

Timofeï Bordatchev, directeur du Centre des études européennes à l'Ecole supérieure d'économie, est du même avis: «La réaction de la Russie est naturelle: la Georgie est un pays avec qui la Russie était en guerre il y a six mois, et la commission internationale sous l'égide de l'UE n'a pas encore terminé l'enquête qui doit dire qui avait commencé cette guerre», souligne-t-il.

Si bien que du point de vue russe, «l'Otan qui se présente comme une organisation de sécurité collective prépare des manoeuvres en commun avec un pays qui peut être reconnu comme l'agresseur dans le conflit de août 2008», souligne-t-il.

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