Des centaines de milliers de français sont descendus dans la rue hier aux quatre coins de l'Hexagone pour exprimer haut et fort leurs préoccupations face à la crise économique, faisant monter d'un cran la pression sur le gouvernement.

Les grandes centrales syndicales, à l'origine de l'initiative, l'ont décrite comme un franc succès en relevant que le nombre de participants était sensiblement plus élevé que celui enregistré lors d'une première journée de grève tenue en janvier.

 

À Paris, où se tenait la plus importante manifestation du jour, la police a recensé plus de 85 000 personnes réunies dans un cortège coloré de ballons et de drapeaux s'étirant sur près de deux kilomètres.

Bien avant que ne débute la marche, le boulevard Beaumarchais reliant la place de la République à la place de la bastille était bordé de bannières posées par des organisations de gauche plus que critiques du gouvernement.

«Qui sème la misère récolte la colère», prévenait celle de la fédération anarchiste. «C'est le capital qui doit payer», claironnaient un peu plus loin les communistes, indifférents aux sandwichs à la merguez offerts non loin par quelques vendeurs opportunistes.

François Roy, forestier employé par l'état, est venu à la manifestation avec un message similaire même s'il tenait à se distancier de l'analyse des groupes d'extrême gauche. «Ne gave plus les riches... les salariés ont faim!», avait-il écrit sur une affiche destinée au président nicolas sarkozy, encore une fois la cible hier de nombreux slogans et autocollants.

«Il est normal que le gouvernement soit venu en aide aux banques. Il n'avait pas le choix. Mais s'il ne pense pas à relancer le pouvoir d'achat des gens, il ne peut pas y avoir de relance de l'économie», a expliqué ce père de cinq enfants. Philippe Cornélis, un employé de la poste qui distribuait des tracts aux passants pour les sensibiliser à la situation économique du pays, réclamait pour sa part la fin des mises à pied.

«On proteste contre la crise mais surtout contre la manière dont le gouvernement et le patronat la gèrent. des milliards ont été débloqués pour les banques et les entreprises, qui vont de l'avant avec des plans de restructuration qui avaient souvent été pensés bien avant», a déploré ce militant syndicaliste.

Les annonces de fermetures d'usines s'accumulent depuis quelques mois, exacerbant les tensions avec les travailleurs, au risque d'entraîner des dérapages. le géant pétrolier total a notamment soulevé un tollé récemment en annonçant son intention de sabrer 500 postes peu de temps après avoir déclaré un profit record de 14 milliards d'euros.

«Si tant de gens sont dans la rue, c'est qu'ils ont un profond sentiment d'injustice sociale. Et ça, je crois que ni le gouvernement ni le patronat ne l'ont encore compris», a prévenu cette semaine le secrétaire général du syndicat force ouvrière, Jean-Claude Mailly.

Laurence Parisot, présidente de la principale organisation patronale du pays, a alimenté l'indignation des leaders syndicaux en déclarant que le recours aux grèves était une «facilité» démagogique qui compromettait «l'attractivité» économique du pays.

Discrétion du gouvernement

Le gouvernement s'est montré beaucoup plus discret par crainte d'attiser les tensions. le président Sarkozy, absent des écrans hier, avait fait savoir mercredi qu'il «comprenait» les inquiétudes des français tout en répétant qu'il n'y aurait pas de nouvelles mesures d'aide à la population.

À la suite de la première journée de grève en janvier, il avait annoncé un plan d'aide de 2,6 milliards d'euros ciblant les travailleurs en difficulté et les ménages à faible revenu. Les syndicats, qui jugent ces mesures insuffisantes, pressent le gouvernement d'aller plus loin pour relancer le pouvoir d'achat et protéger les emplois.

À défaut d'obtenir gain de cause, ils parlent d'ores et déjà de tenir une autre manifestation le 1er mai. L'extrême gauche, elle, réclame une grève illimitée comme celle qui avait secoué le pays en 1995.

«Si le gouvernement cède avant, c'est tant mieux mais c'est mal parti. je pense qu'il va falloir hausser encore le ton», souligne Philippe Cornélis.