Les visiteurs de la capitale allemande ne doivent plus s'étonner s'ils croisent, au détour d'une maison, un sanglier vidant avec avidité une poubelle.

Dans certains quartiers de Berlin, le phénomène a pris une telle ampleur qu'il est difficile de trouver quelqu'un qui n'a pas d'anecdote à raconter au sujet de ces singuliers envahisseurs.

 

C'est le cas notamment à Wannsee, au sud-ouest de Berlin, dans un secteur résidentiel très boisé adjacent à un lac. «Il y en a incroyablement beaucoup, beaucoup trop en fait. C'est un véritable fléau. Il faut absolument en réduire le nombre», s'emporte Lore Pauli.

La femme de 72 ans n'apprécie pas de voir le contenu de son jardin régulièrement retourné par les envahissants animaux, qui réussissent souvent à passer les barrières mises en place pour freiner leur passage.

«Les gens essaient de les arrêter mais ils n'y arrivent pas», déplore Mme Pauli, qui crie pour éloigner les bêtes qu'elle croise durant ses balades à pied ou en vélo.

Annette Müller-Klocke a l'habitude aussi de croiser des sangliers au cours de ses randonnées sur un sentier le long du lac voisin. Des rencontres qui ne l'inquiètent pas trop. «Je pense qu'ils ont plus peur que moi lorsqu'on se croise», relate la femme de 55 ans, qui plaide aussi pour une réduction du nombre d'animaux.

«Mon propre fils a déjà vu dans le secteur un homme nourrir des sangliers avec du maïs. Il y en avait une cinquantaine», indique la résidante.

Dans le quartier voisin de Spandau, les sangliers sont aussi omniprésents. Lors du passage de La Presse la semaine dernière, un agriculteur venait d'alerter les autorités à la présence d'un groupe d'animaux. La terre était retournée sur plusieurs dizaines de mètres.

Les animaux sont attirés dans la région par la culture du maïs et poussent ensuite leurs recherches de nourriture en milieu urbain, où les déchets abondent. Leurs déplacements sont facilités par l'étendue boisée de Berlin, l'une des villes les plus vertes d'Europe.

Dans l'espoir d'endiguer le phénomène, la Ville a embauché une quarantaine de chasseurs privés, qui traquent les sangliers jusque dans les quartiers résidentiels.

En un an, près de 3000 de ces animaux ont été tués, relate Matthias Eggert, un garde forestier qui en a lui-même tué plus d'une cinquantaine durant cette période.

Chasse

La chasse en milieu urbain n'est pas sans péril, souligne le spécialiste, qui intervient surtout en milieu urbain lorsque des particuliers signalent des difficultés avec des animaux. «C'est dangereux. Il faut faire très attention avant d'ouvrir le feu. Il y a seulement une brève fenêtre de tir», dit M. Eggert. À sa connaissance, une seule intervention a failli mal tourner, une balle étant passée par la fenêtre d'une résidence.

Bien qu'il n'ait pas de données précises sur l'évolution de la population de sangliers, l'Office municipal des forêts confirme qu'ils sont de plus en plus présents en milieu urbain. «Un nombre croissant de Berlinois ont des contacts avec ces animaux», souligne le porte-parole de l'organisation, Marc Franusch, qui signale peu d'incidents violents.

«L'année dernière, un vieil homme qui se promenait avec son chien s'est fait charger par une femelle qui voulait défendre ses marcassins. Mais ça n'arrive presque jamais, ce type de chose», souligne-t-il.

L'omniprésence des sangliers constitue cependant un danger considérable pour les automobilistes, puisqu'une collision avec un de ces animaux survient pratiquement chaque jour dans la métropole, selon M. Franusch.

Lors du passage de La Presse aux bureaux de M. Eggert, ses collègues s'affairaient à disposer de la carcasse d'un imposant sanglier de 60 kilos qui venait d'être heurté par un véhicule. Ses restes ont été envoyés à la décharge.

Normalement, les bêtes chassées sont dépecées et la viande récupérée pour la consommation personnelle ou la vente, souligne le chasseur, qui aime beaucoup le goût du sanglier.

«C'est comme dans Astérix et Obélix. Je me régale», conclut M. Eggert en se tapotant le ventre.