Fort du soutien de Gordon Brown et du parti chrétien-démocrate d'Angela Merkel, le Portugais José Manuel Barroso, à la tête de la Commission européenne depuis 2004, reste favori pour un nouveau mandat en dépit des récentes réserves de Nicolas Sarkozy.

Le président français avait semé le doute le 1er mars, en marge d'un sommet européen extraordinaire sur la crise économique.

Evoquant le nouveau référendum sur le traité européen de Lisbonne que l'Irlande doit organiser d'ici novembre, M. Sarkozy avait estimé qu'il valait mieux, avant de désigner le nouveau président de l'exécutif européen, «attendre que les Irlandais votent», pour ne «pas se mettre tout le monde à dos».

Ses propos avaient paru d'autant plus ambigus pour M. Barroso que les dirigeants de l'UE avaient convenu en décembre de nommer le président de l'exécutif européen «sans délai» après les élections européennes de juin.

Le coprésident des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit, dont le parti milite contre la reconduction de M. Barroso, y a vu le début d'un «lâchage» du Portugais.

Toutefois, un diplomate français souligne qu'il faut interpréter les propos de M. Sarkozy plutôt comme «un avertissement» à M. Barroso. Le président français aurait simplement exprimé sa colère après garanties réclamées par la Commission sur son plan d'aide à l'automobile, estime un autre diplomate.

Surtout, M. Barroso, qui aura 53 ans le 23 mars, a vu ses ambitions clairement appuyées par Londres et Berlin, malgré les critiques dont il fait régulièrement l'objet: manque de réactivité de la Commission face à la crise économique, servilité à l'égard des grands Etats.

«Je veux dire de façon très claire que nous le soutiendrons» pour un nouveau mandat, a déclaré lundi le Premier ministre britannique Gordon Brown.

Mardi, le parti chrétien-démocrate de Mme Merkel a indiqué qu'en cas de victoire aux européennes du Parti populaire européen (PPE, conservateurs) auquel appartient M. Barroso, il devait «pouvoir poursuivre son travail fructueux à la tête de la Commission».

Pour beaucoup d'eurodéputés, seule une défaite aux européennes du PPE - qu'aucun sondage ne laisse prévoir pour l'instant - pourrait effectivement réduire ses chances.

«Sauf si quelqu'un d'autre se présente - ce qui semble improbable à ce stade - M. Barroso sera le président de la nouvelle Commission», estime ainsi l'eurodéputé libéral britannique Andrew Duff.

Même son collègue socialiste allemand Jo Leinen, beaucoup plus critique envers M. Barroso, reconnaît que ce dernier bénéficie actuellement d'«un grand soutien» des chefs d'Etat.

Du coup, le débat - qui pourrait être abordé en marge du sommet européen de jeudi et vendredi à Bruxelles - porte plus sur le calendrier de la désignation du futur président et sur sa base juridique.

Plusieurs gouvernements et eurodéputés veulent voir l'heureux élu désigné dès juin, pour éviter d'affaiblir la Commission en période de crise économique, explique M. Duff.

D'autres font valoir qu'en juin, personne ne saura encore si le traité de Lisbonne régira les institutions européennes à partir de 2010, ou si l'actuel traité de Nice restera d'actualité.

Certains gouvernements pourraient donc hésiter à désigner rapidement le président de la nouvelle Commission, selon un diplomate, d'autant que ce poste n'est qu'un des postes clé de l'UE à devoir être attribué bientôt.

Le mandat du diplomate en chef de l'UE, actuellement l'Espagnol Javier Solana, expire en octobre. Et si le traité de Lisbonne entre en vigueur, il faudra aussi désigner le premier président permanent de l'UE.

Tous ces postes seront pourvus par consensus, augurant d'intenses tractations au résultat imprévisible. Comme en 2004, lorsque M. Barroso fut désigné contre toute attente.