Le spectre de la terreur revient hanter l'Irlande du Nord. Les autorités nord-irlandaises craignent que les assassinats d'un policier et de deux soldats ces derniers jours précipitent la province dans une nouvelle spirale de violence.

Les auteurs des attaques, deux groupuscules dissidents de l'IRA, le groupe indépendantiste qui a déposé les armes en 2005, cherchent à troubler le processus de paix en Ulster.

 

Lundi soir, un policier nord-irlandais a été tué d'une balle dans la tête. Paul Carroll s'était déplacé avec des collègues dans un quartier catholique de Craigavon, au sud-ouest de Belfast, pour répondre à un appel d'urgence. Une histoire de fenêtre fracassée.

Un tireur embusqué a ouvert le feu sur le policier de 48 ans. L'assassinat a été revendiqué par l'IRA-Continuité («Continuity IRA»), une milice rebelle de l'IRA qui rejette l'Accord du Vendredi saint signé en 1998.

Deux suspects âgés de 17 ans et 37 ans ont été arrêtés hier en fin de journée. C'était la deuxième attaque contre des hommes en uniforme en 48 heures.

«Nous sommes au bord de l'abîme... Nous devons nous unir et faire marche arrière», a déclaré lundi une élue catholique de la région, Dolores Kelly, du Parti social-démocrate et travailliste.

Car, les Irlandais du Nord sont sous le choc depuis un attentat sur une base militaire samedi soir. Deux soldats ont été tués à bout portant par des hommes armés au moment où ils réglaient une livraison de pizzas.

Mark Quinsey et Patrick Azimkar, dans la jeune vingtaine, étaient à quelques heures d'être dépêchés en Afghanistan. Deux autres soldats et deux livreurs de pizzas ont été blessés à la base d'Antrim, au nord-ouest de Belfast.

Une autre faction rebelle, l'IRA-Véritable («Real IRA»), a confirmé être l'instigatrice de cette attaque.

Cet épisode violent survient au moment où l'Irlande du Nord jouissait d'un calme relatif depuis quelques années.

Selon l'expert Adrian Guelke, le fait que des civils aient été pris pour cible samedi inquiètent les résidants. «Beaucoup de gens en parlent dans la rue. Ils ont peur que les horreurs commises avant l'accord de paix de 1998 redeviennent d'actualité», dit le professeur de l'Université Queen's de Belfast.

»Traîtres»

Les soldats britanniques demeurent un symbole d'occupation pour les groupes rebelles de l'IRA. Ils étaient au nombre de 28 000 au plus fort des luttes armées entre les républicains catholiques et les unionistes protestants qui ont duré 30 ans.

Malgré le retrait de la majorité des troupes à l'été 2007, 5000 hommes sont toujours déployés sur des bases militaires, bien qu'ils n'interviennent plus dans la sécurité de la région.

Loin d'être déstabilisées, les partis républicains et unionistes, qui se partagent le pouvoir au Parlement nord-irlandais, ont fait front commun. La branche politique de l'IRA, le Sinn Féin, a même qualifié les assassins de «traîtres» hier.

«Ils ne méritent le soutien de personne. Le processus de paix n'échouera pas car il reçoit trop d'appui dans cette île», a déclaré Martin McGuinness, vice-premier ministre nord-irlandais et ancien commandant de l'IRA.

L'escalade souhaitée par les factions rebelles ne semble pas poindre à l'horizon pour l'instant. Toutefois, les prochaines semaines seront cruciales.

«S'il y a d'autres épisodes sanglants et que les autorités ne réussissent pas à épingler les coupables, la situation pourrait empirer», explique Adrian Guelke.

 

L'Accord du Vendredi saint

Le 10 avril 1998, les forces politiques républicaines catholiques et loyalistes protestantes acceptent d'enterrer la hache de guerre et de partager le pouvoir en Irlande du Nord. Parrainé par l'ancien premier ministre Tony Blair, le traité mettait fin à l'époque des «Troubles» qui aura duré 30 ans et fait 3600 victimes, surtout des civils. En 2005, l'IRA ordonne officiellement à ses unités de déposer les armes. Qui sont les groupes rebelles? Ils rejettent l'accord de paix de 1998 et toute implication britannique en Irlande du Nord. Leurs membres seraient au nombre de 300 et deux factions seraient particulièrement dangereuses: l'IRA-Véritable et l'IRA-Continuité.