Reprise des hostilités franco-canadiennes autour de Saint-Pierre-et-Miquelon? On ne peut pas totalement l'exclure et, dans les milieux canadiens, on reconnaît «suivre le dossier un peu plus attentivement ces jours-ci».

Car ces jours-ci, la députée Annick Girardin, l'une des deux parlementaires issus de ce petit archipel français voisin de Terre-Neuve, se trouve à Paris pour lancer un «appel au secours» au gouvernement français et à Nicolas Sarkozy en particulier.

 

Dans une lettre au président qu'elle a rendue publique, la fougueuse députée radicale de gauche - appuyée par le sénateur UMP (droite) de l'île et un vaste collectif de citoyens - explique que la population estime avoir été «sacrifiée» lors de la conclusion de l'accord franco-canadien de 1992 qui restreignait fortement les zones de pêche réservées aux Français.

«À 5000 kilomètres de la mère patrie, écrit Annick Girardin, un peu plus de 6000 hommes et femmes, français, à la recherche d'une garantie d'avenir, désespèrent de Paris.»

Si la question redevient d'actualité ces jours-ci, c'est que Mme Girardin a une exigence concrète à formuler: que Paris dépose une «lettre d'intention» auprès des Nations unies pour faire appliquer la récente convention internationale sur les droits des pays côtiers sur les ressources naturelles sous-marines.

Extension du plateau continental

Techniquement, cela s'appelle «extension du plateau continental» et pourrait mener à un élargissement considérable du domaine maritime du petit département français ou à la reconnaissance de ses droits à cogérer une vaste zone avec «nos amis canadiens».

«L'accord de 1992 s'est fait au détriment du bon droit et de la justice, dit-elle en entrevue à La Presse, mais nous ne le remettons pas en question. Nos revendications concernant aujourd'hui l'extension du plateau continental s'appuient sur une base juridique totalement différente. Et sur une convention qui a déjà mené à des accords de cogestion maritime, par exemple entre la France et l'Espagne dans le golfe de Gascogne...»

Petit détail qui a son importance: en raison de la date de signature de la nouvelle convention par la France, celle-ci doit respecter, selon Mme Girardin, la date butoir du 13 mai 2009 pour faire invoquer l'application de cette convention internationale. Et elle-même n'a «pas la moindre idée» concernant la volonté du gouvernement français de déposer ou non cette «lettre d'intention». «On ne sait pas, dit-elle, si Paris a envie de provoquer la mauvaise humeur du Canada pour défendre les droits de 6500 habitants.»

Côté canadien, de fait, on considère que le dépôt de cette lettre d'intention équivaudrait à «remettre en question l'accord de 1992, conclu au prix de douloureuses concessions côté canadien et après un conflit très dur», comme nous le dit un bon connaisseur du dossier qui désire conserver l'anonymat.

«Cela aurait pour effet d'ouvrir une boîte de Pandore, car de son côté Terre-Neuve, qui a elle aussi des problèmes, pourrait avancer de nouvelles revendications sur le contrôle de nouvelles zones maritimes au-delà des 200 milles nautiques actuels.»

De là à dire qu'une telle démarche équivaudrait de la part de la France à déterrer la hache de guerre, il y a un pas que les diplomates canadiens se gardent bien de franchir. Mais ils surveillent de près les signaux qui viennent du gouvernement français.