Le président Nicolas Sarkozy n'apprécie pas les manifestants. Et il n'hésite pas à sanctionner les responsables de l'État français qui s'avisent de les laisser l'approcher de trop près lors de ses sorties publiques.

Il en a donné une nouvelle illustration fin janvier en obtenant la mutation du préfet de la Manche, Jean Charbonniaud, et du directeur de la sécurité publique, Philippe Bourgade, après un passage mouvementé dans le village de Saint-Lô où il s'était rendu pour une brève allocution.

« Qu'est-ce qui s'est passé de grave ? Pas grand-chose si ce n'est que le président a entendu des manifestants le siffler », a résumé M. Bourgade.

Exceptionnellement, plusieurs élus locaux de l'UMP, parti du président, ont critiqué ces mutations, parlant d'un « caprice d'État » tandis que les opposants politiques du président dénonçaient « le fait du prince ».

Une polémique similaire avait suivi l'année dernière le renvoi du plus haut responsable policier de Corse, survenu après que des militants nationalistes de l'île eurent envahi le domaine du comédien Christian Clavier, ami de longue date du chef d'État.

La quasi-totalité des préfets remplacés

Le directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire, Denys Pouillard, souligne que Nicolas Sarkozy a remplacé depuis son entrée en fonction en avril 2007 la quasi-totalité des préfets en poste au pays. Rappelons qu'un préfet est un haut fonctionnaire représentant l'État pour une région ou un département donné. Il est notamment responsable, à ce titre, de la sécurité.

« Jamais dans l'histoire de la Ve République », la France n'avait connu un mouvement d'une « telle ampleur », souligne l'analyste, qui s'inquiète de la volonté du chef d'État de mettre en poste des gens de plus en plus politisés.

Le quotidien Le Monde souligne que le président s'attend à ce que les responsables désignés appliquent les consignes de l'Élysée avec le plus grand zèle possible. Le rythme des mutations facilite la chose en les plaçant dans une situation « d'insécurité permanente ».

Ce qui, préviennent les syndicats de police, peut mener à une surenchère sécuritaire.

« Chaque responsable à tous les niveaux va vouloir faire du zèle, ils vont se dire : ''Je vais mobiliser le maximum d'effectifs pour être sûr qu'il ne se passe rien'' », indique Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat de la police Force ouvrière.

À l'appui de leurs inquiétudes, les syndicats soulignent que près de 600 policiers ont été mobilisés dans le Val-d'Oise il y a quelques semaines pour encadrer l'inauguration, par le président, de nouvelles écluses.

L'hebdomadaire Le Canard enchaîné ironise, dans la même veine, sur les ressources mobilisées par le successeur du préfet de la Manche congédié à l'occasion d'un autre déplacement présidentiel survenu le 6 février, à Flamanville. « Dans un rayon d'un kilomètre, à chaque carrefour, des fourgonnettes de pandores barraient la route. Sur mer, toute navigation avait été interdite depuis la veille à moins de quatre milles des côtes. Un patrouilleur de la Royale veillait au grain. Manquait juste le Charles-de-Gaulle », a souligné l'hebdomadaire, en référence à un porte-avions français.

Un important dispositif de sécurité a aussi été mis en place vendredi dernier pour une annonce du président sur l'agriculture. Environ 700 policiers et gendarmes ont été mobilisés dans un village comptant 1000 âmes. Aucun manifestant ne s'est manifesté pour l'occasion.