Le procès de l'explosion de l'usine AZF qui a fait 31 morts et des milliers de blessés le 21 septembre 2001 à Toulouse, l'une des pires catastrophes industrielles en France, s'est ouvert lundi, avec le groupe Total comme principal accusé.

D'une dimension exceptionnelle, le procès qui doit durer quatre mois devant le tribunal correctionnel de Toulouse s'est ouvert avec plus d'une heure de retard, le temps de recenser les parties civiles présentes parmi les plus de 1800 déclarées.

Dès l'ouverture de l'audience, le tribunal, qui doit déterminer les responsabilités dans l'explosion de l'usine AZote Fertilisant (AZF), appartenant à la SA Grande Paroisse, filiale de Total, a porté le bilan officiel de cette catastrophe à 31 morts et 2500 blessés.

L'explosion avait soufflé ou endommagé près de 30 000 logements à des kilomètres à la ronde.

A l'appel de plusieurs associations de victimes, quelques centaines de personnes avaient défilé en fin de matinée à Toulouse pour manifester leur volonté de «connaître la vérité».

«C'est dur. On ne peut pas faire le deuil. On attend une vérité et une reconnaissance de la responsabilité de l'entreprise», déclare Marie-France Mallada, 55 ans, qui a perdu 80% de ses capacités auditives et fait plusieurs tentatives de suicide depuis l'explosion.

Beaucoup de victimes ne croient pas à la thèse, privilégiée durant l'instruction, d'un mélange malencontreux de produits chimiques détonants.

Des dizaines d'experts sont attendus à la barre et plus de 200 témoins sont cités par les parties au procès. L'ancien président Jacques Chirac, cité par une partie civile, a indiqué par courrier qu'il ne viendrait pas et l'ex-Premier ministre Lionel Jospin a demandé à être «excusé», indiquant qu'il n'était «détenteur d'aucune information».

Une soixantaine d'avocats étaient présents lundi, représentant les parties civiles et les deux prévenus, Serge Biechlin, directeur d'AZF à l'époque des faits et seule personne physique poursuivie, et Grande Paroisse, en qualité de personne morale.

Les prévenus doivent répondre des chefs d'homicides involontaires, blessures involontaires, destructions et dégradations involontaires par l'effet d'une explosion ou d'un incendie, et infractions au code du travail.

Le tribunal doit doit examiner mercredi la demande de citation directe du groupe Total, qui donnera lieu à l'une des premières passes d'armes entre ceux qui accusent Total de «négligence» et la défense.

A l'issue d'une instruction qui a duré jusqu'en 2006, les experts judiciaires ont retenu la piste d'un accident chimique. Ils ont rejeté les hypothèses d'un attentat, évoquée avec force après les attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, ou d'une explosion due au gaz ou à un arc électrique.

Total a déjà versé 2 milliards d'euros d'indemnisations dans le cadre d'une convention et conteste les conclusions de l'instruction, estimant que toutes les pistes, dont l'hypothèse terroriste, n'ont pas été suffisamment exploitées.

Selon les experts, l'explosion serait due au mélange malencontreux de quelques kilos d'une substance chlorée, le DCCNa (dichloroisocyanurate de sodium), avec 500 kilos de nitrate d'ammonium, déversés ensuite dans un hangar contenant un stock de 300 tonnes de nitrate d'ammonium, un quart d'heure avant la catastrophe.

Le procès sera filmé et enregistré, ce qui est très rare en France.

Le délibéré devrait être rendu dans la deuxième quinzaine de novembre.