Si Nicolas Sarkozy se vantait encore en janvier d'avoir la «baraka», il accumule désormais les déconvenues. Il a beau avoir concédé pour 2,6 milliards d'euros de mesures sociales, son geste ne semblait satisfaire personne, jeudi, du côté des syndicats comme du patronat. Et le président français, étrangement silencieux jusque-là, cherchait toujours un moyen de se dépêtrer de la crise guadeloupéenne.

Officiellement, le chef de l'Etat n'a en rien cédé aux appels pressants à un coup de pouce en faveur de la consommation, même si la réduction d'impôt pour les plus modestes ou les «primes» aux familles et aux travailleurs précaires y ressemblent fort.Le cap reste inchangé: la priorité est toujours la relance par l'investissement. Alors que plusieurs ministres étaient dépêchés jeudi matin dans les médias pour vanter les mérites des annonces élyséennes, François Fillon a d'ailleurs obstinément refusé de parler de «mesures de relance par la consommation», expression taboue. «Ce sont des mesures de justice», a martelé le premier ministre.

Hors de la majorité, celles-ci semblaient en tout cas faire l'unanimité contre elles. Les syndicats ont tous estimé que le «compte n'y (était) pas» et doivent se retrouver lundi pour décider des modalités de la journée nationale d'action du 19 mars. «Le président ne fait que jeter des miettes au mouvement social», a accusé dans Le Parisien le député socialiste Arnaud Montebourg, en dénonçant un «aveuglement» présidentiel. Nicolas Sarkozy fait du «saupoudrage», a également estimé Ségolène Royal.

Laurence Parisot, elle, ne décolérait pas après une réunion à l'ambiance tendue. C'était «cacophonique», a affirmé la présidente du MEDEF, qui a assuré avoir à plusieurs reprises «tenté de remettre de l'ordre, du bon sens, dans des échanges qui, malheureusement, partaient dans tous les sens».

«Il y a eu du sport», a confirmé le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, alors que François Chérèque (CFDT) évoquait «des échanges vifs sur deux ou trois sujets». «Il n'y a pas eu de tension avec le président de la République», a assuré Raymond Soubie, le conseiller social du président. «Il y a eu des moments de tension sur le thème du partage de la valeur dans l'entreprise entre les dirigeants syndicaux, ou certains d'entre eux, et Mme Parisot.»

Celle-ci a en tout cas vivement dénoncé jeudi l'absence de financement de certaines mesures. «Je ne sais pas si on peut dire "le compte n'y est pas", parce que moi, je n'arrive même pas à faire les comptes», a lâché la patronne des patrons. Elle était notamment «très surprise» d'entendre Nicolas Sarkozy approuver la proposition de la CFDT de créer un «fonds d'investissement social», doté de 2,5 à 3 milliards d'euros. «Rien ne nous a été dit sur comment financer ce fonds.»

Pour ce qui est du financement, «on est en train de creuser la dette dans notre pays, il ne faut pas se raconter d'histoires», a expliqué François Fillon, justifiant ainsi son refus d'«arroser la consommation».

Même limitées, ces mesures risquent donc de déplaire à la Commission européenne, qui a lancé mercredi une procédure pour «déficit excessif» à l'encontre de la France notamment. Ces aides seront strictement limitées à 2009 et n'ont pas «vocation à être reconduites», a souligné Raymond Soubie à son intention.

Parallèlement, Christine Lagarde et Eric Woerth montaient au créneau pour pointer les contradictions de Bruxelles. «La Commission européenne elle-même, il y a environ un mois et demi, nous a tous demandé de faire de la dépense publique (...) Alors on ne peut pas d'un côté nous dire: «faites de la croissance en faisant de l'investissement public (...) et puis de l'autre côté nous infliger un blâme», a déclaré la ministre de l'Economie. «Ben évidemment qu'on va dépasser les déficits qui étaient prévus! Parce qu'il y a la crise...», a ajouté le ministre du Budget.