Le gouvernement Berlusconi a engagé vendredi un bras de fer constitutionnel avec le chef de l'Etat pour empêcher l'euthanasie d'Eluana Englaro, une Italienne plongée depuis 17 ans dans un état végétatif.

Le gouvernement a adopté à cet effet un «décret d'urgence» pour «sauver Eluana» et interdire l'arrêt progressif de l'alimentation de la jeune femme, âgée de 37 ans, à qui la justice a reconnu, à la demande de sa famille, le droit de mourir.

Mais le président de la République, Giorgio Napolitano, a annoncé qu'il refusait d'entériner ce décret, le jugeant contraire à la Constitution.

«Si le chef de l'Etat devait décider de ne pas signer ce décret-loi, nous convoquerions sur le champ le Parlement pour faire adopter cette loi en l'espace de 2-3 jours», a mis en garde Silvio Berlusconi, qui dispose d'une large majorité dans les deux chambres du Parlement italien.

«Je crois interpréter les sentiments de la majorité des Italiens», a estimé le chef du gouvernement.

Le sort d'Eluana, plongée dans le coma depuis un accident de voiture en janvier 1992 et devenue le symbole de la lutte pour le droit de mourir, a ému toute l'Italie et fait l'objet d'une intense bataille judiciaire et politique.

Le combat de sa famille, après un arrêt définitif de la Cour de cassation rendu le 13 novembre, semblait pourtant toucher à sa fin après son transfert mardi dans une clinique d'Udine (nord-est) ayant accepté de cesser de l'alimenter.

L'interruption progressive de l'alimentation et de l'hydratation de la jeune femme a débuté vendredi et Vittorio Angiolini, l'avocat de la famille d'Eluana, a affirmé que celle-ci «se poursuivrait».

Le décret-loi prévoit en effet que «dans l'attente de l'approbation d'une législation complète en matière de fin de vie, l'alimentation et l'hydratation (...) ne peuvent en aucun cas être suspendues par ceux qui assistent les personnes qui ne sont pas en mesure de décider pour elles-mêmes», selon M. Berlusconi qui a fait lecture du texte devant la presse.

M. Napolitano a de son côté expliqué, dans une lettre à Silvio Berlusconi, qu'il ne voyait pas dans cette affaire de «caractère urgent» justifiant l'adoption d'une telle mesure.

«Nous avons tous les éléments d'urgence et de nécessité. Selon la Constitution, l'appréciation du caractère d'urgence revient au gouvernement», a répliqué M. Berlusconi, estimant que l'adoption du décret permettrait de sauver la vie «de la citoyenne Eluana».

«Si nous n'avions pas fait tous les efforts possibles pour éviter la mort d'une personne dont la vie est en danger, qui respire de manière autonome, je me serais senti coupable de non-assistance à personne en danger», a expliqué M. Berlusconi.

De son côté, le président de la Chambre des députés, Gianfranco Fini (droite), a désavoué Silvio Berlusconi en se disant «très préoccupé (par le fait que) le Conseil des ministres n'a pas pris en compte les arguments du chef de l'Etat».

L'Eglise italienne, soutenue par le pape Benoît XVI, est intervenue à de multiples reprises dans le débat, plaidant contre l'arrêt de l'alimentation de la jeune femme qu'elle a qualifié d'«euthanasie inacceptable».

«Eluana est vivante, elle a le droit de vivre et la communauté politique doit soutenir sa vie par tous les moyens à sa disposition», s'est félicité vendredi Mgr Elio Sgreccia, président d'honneur de l'Académie pontificale pour la vie.

Le responsable du Vatican pour la Justice et la Paix, le cardinal Renato Martino, s'est dit de son côté «profondément déçu» par la décision de M. Napolitano.