Une semaine après les grèves massives du 29, le président a joué de son charme et de son habileté pendant 1h37 - sans vraiment convaincre.

Nicolas Sarkozy est un grand communicateur, on le savait. On ne s'ennuie jamais avec lui.

Hier soir, il avait pour ainsi dire convoqué trois grandes chaînes de télé (plus de 60% de l'audience globale) à une heure de très grande écoute - 20 h 15 - pour une entrevue majeure, une semaine très exactement après une journée de grèves massives et de manifestations monstres.

Avec un chômage fortement reparti à la hausse et un déficit budgétaire déjà assuré de dépasser les 5% du PIB pour 2009, le moral des Français est au plus bas. De même que leur sympathie pour le gouvernement nommé par Sarkozy.

Cette émission spéciale, programmée à 20h15, heure de la plus forte écoute, a duré très exactement 1h37. Ce qui est beaucoup. Mais, tel que prévu, Nicolas Sarkozy a tenu son public en haleine. En passant avec aisance de la familiarité ou de l'ironie avec ses intervieweurs aux accents de gravité et aux annonces solennelles la main sur le coeur, le président Sarkozy a une manière plutôt efficace de prendre les téléspectateurs à témoin de sa propre sincérité.

Mais l'exercice a ses limites. Commentant à chaud l'intervention, un économiste a souligné à la télé quelques «énormités» proférées par Sarkozy. Exemple: «De dire que la crise actuelle est la plus grave depuis un siècle et qu'elle explique tous les problèmes est une absurdité: le PIB avait reculé de 40% aux États Unis en 1929.»

L'ancien directeur du Monde, Edwy Plenel, soulignait de son côté sur France 2: «D'abord, c'est une émission indigne d'une démocratie, où le président choisit le cadre et les journalistes, pas franchement agressifs. Ensuite, Sarkozy promet tellement qu'une promesse chasse l'autre. Il a prononcé 18 discours majeurs au cours des 30 derniers jours...»

Concertation sociale

En fait, la seule annonce précise et véritable faite par le président concerne une vaste concertation sociale avec l'ensemble des syndicats, et fixée au 18 février prochain. Ce qui lui a permis d'annoncer quelques largesse sociales sans prendre d'engagement formel : des indemnisations plus rapides et en hausse pour les chômeurs, chaque jour plus nombreux; idem pour les journées de chômage partiel, de plus en plus nombreuses, notamment dans l'industrie automobile.

Il a aussi évoqué de possibles réductions d'impôt sur le revenu pour les classes moyennes. Plutôt que de promesses, il a parlé de «pistes» et de sujets de négociation. Mais, sur le fond, les syndicats avaient réclamé, le 29 janvier, un déliement généreux des cordons de la bourse en faveur de la consommation, et Sarkozy s'est bien gardé de s'engager dans cette direction.

Faute de pouvoir donner satisfaction aux salariés et aux consommateurs au moment où les finances publiques sont au bord de la rupture, Sarkozy a dû une fois de plus se fier à ses talents de séducteur. Il a ainsi annoncé, de concert avec la chancelière allemande Angela Merkel, une «action» très prochaine pour mettre un terme au «scandale» des paradis fiscaux, à commencer par Monaco et Andorre. Le détail concret reste à venir.

Une intervention pour rien? Ce serait exagéré. Après la mobilisation du 29, et la grogne étudiante et universitaire permanente qui s'est de nouveau manifestée hier matin à l'encontre de la ministre des Universités, il fallait tout au moins éviter la propagation de l'incendie. C'est ce à quoi le président s'est employé : à noyer le poisson. Avec son talent habituel.