Le Parquet russe a indiqué mardi que l'avocat spécialiste des droits de l'Homme Stanislav Markelov, tué la veille à Moscou, avait sans doute été abattu en raison de son travail, tandis que des anonymes lui rendaient hommage en Russie ainsi qu'à la journaliste tombée à ses côtés.

«L'enquête suppose que le meurtre a été commis par un assassin professionnel ou un criminel isolé qui n'était pas d'accord avec les points de vue exprimés publiquement par Markelov dans le cadre de son activité en matière de défense des droits» de l'Homme, a indiqué le Comité d'enquête du parquet dans un communiqué.

L'avocat a été abattu lundi soir, ainsi qu'une jeune journaliste, Anastassia Babourova, qui l'accompagnait. Le Parquet estime cependant que le tueur avait «pour cible principale» Me Markelov.

Selon les médias russes, qui citent des sources policières et des témoins, la jeune fille de 25 ans, qui travaillait pour le bihebdomadaire Novaïa Gazeta, a été grièvement blessée alors qu'elle tentait d'arrêter l'assassin qui venait de tirer sur l'avocat. Elle a succombé peu après.

Le double meurtre a eu lieu en plein jour et dans une rue animée alors que Markelov venait de dénoncer à une conférence de presse la libération anticipée de l'ex-colonel russe Iouri Boudanov, condamné à 10 ans de prison en 2003 pour avoir étranglé trois ans plus tôt Elza Koungaïeva, une Tchétchène de 18 ans.

Il défendait les intérêts de la famille de la victime et avait déposé une plainte pour que l'ancien officier, devenu un symbole des mouvements ultranationalistes russes, purge jusqu'au bout sa peine de 10 ans de prison.

Quelque deux cents personnes se sont rassemblées mardi à Moscou sur les lieux du double meurtre, déposant des fleurs sur la neige encore ensanglantée et allumant des cierges.

Un millier de personnes se sont aussi réunies à Grozny, la capitale de la république de Tchétchénie, déchirée par deux guerres depuis la chute de l'URSS. Me Markelov avait travaillé dans de nombreuses affaires liées aux atteintes aux droits de l'Homme dans cette région du Caucase russe.

Il avait notamment représenté la journaliste assassinée en octobre 2006, Anna Politkovskaïa, accepté une affaire d'enlèvement visant le président tchétchène Ramzan Kadyrov et d'autres visant les exactions commises par des membres des forces spéciales russes en Tchétchénie.

M. Kadyrov a dénoncé mardi un crime «destiné à effrayer toute la société», et a remis à Markelov à titre posthume une décoration «Pour services rendus à la Tchétchénie».

La presse russe brocardait mardi ce nouveau meurtre visant une personnalité indépendante, qui comme Politkovskaïa, s'était spécialisé sur la Tchétchénie. Le quotidien Rossiiskaïa Gazeta qualifie le crime de «défi pour la société et le système judiciaire».

Les défenseurs des droits de l'Homme se disaient pessimistes quant à l'issue de l'enquête, notant qu'aucun meurtre de ce type n'a été résolu, à l'instar de l'affaire Politkovskaïa, en cours de jugement et où seuls des seconds couteaux comparaissent.

«Dans le meilleur des cas, on arrêtera (...) simplement des complices de l'exécutant», prédit Lev Ponomarev du mouvement Pour les droits de l'Homme, relevant que «la police ne s'occupe pas de lutter contre l'extrémisme mais perd du temps à lutter contre l'opposition politique».

Le rapporteur du Conseil de l'Europe sur la situation des droits de l'Homme dans le Caucase du nord, Dick Marty, a exprimé mardi sa «vive indignation» suite au meurtre.

La France a condamné mardi «avec la plus grande fermeté» le crime et Berlin a appelé les autorités russes à «élucider rapidement ces assassinats».

Markelov avait aussi été le défenseur de Mikhaïl Beketov, un journaliste qui a été passé à tabac en novembre dans la banlieue moscovite et qui est toujours hospitalisé après avoir été dans le coma et amputé d'une jambe.