L'Europe centrale est frappée mardi de plein fouet par le bras de fer russo-ukrainien sur les prix du gaz, les livraisons de gaz russe via l'Ukraine ayant drastiquement chuté à environ 10% des volumes prévus, une situation «complètement inacceptable» pour l'Union européenne (UE).

Tellement «inacceptable» que la présidence tchèque de l'UE, par la voix du Premier ministre Mirek Topolanek, envisage de proposer un sommet tripartite avec la Russie et l'Ukraine si la crise n'est pas résolue.Les pays principalement concernés sont l'Autriche, qui dispose de l'une des trois plus importantes plateformes gazières d'Europe continentale, la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie, la Croatie, la Macédoine, ainsi que la Grèce et la Turquie. L'Allemagne et la Pologne sont également touchées, mais dans une moindre mesure.

«Les livraisons continuent de baisser, elles sont tombées à 73,8 millions de m3» par jour vers 08h00 GMT (3h00 HNE) contre 92 millions quelques heures plus tôt et 315 millions de m3 lundi matin, a déclaré un porte-parole de la société ukrainienne Naftogaz, Valentin Zemlianski.

De son côté, le vice-président du géant gazier russe Gazprom, Alexandre Medvedev, a accusé l'Ukraine d'avoir fermé trois des quatre gazoducs d'exportation traversant son territoire, perturbant gravement l'approvisionnement en gaz de l'Europe, ce que Kiev a démenti.

La Russie espère voir ses clients européens, privés d'énergie en pleine période hivernale, avec des températures extrêmes comme -26 degrés à Leipzig, en Allemagne de l'est, faire pression sur le gouvernement ukrainien, qu'elle accuse de détourner le gaz livré à leur intention.

Certains pays ont vu leur approvisionnement réduit à néant. C'est le cas de la Grèce, la Turquie et la Macédoine desservies à partir de la Bulgarie, elle-même privée de gaz depuis mardi matin à 01h30 GMT, selon le ministère bulgare de l'Economie et de l'Energie.

La Croatie a également constaté un arrêt des livraisons de gaz, tandis que l'Autriche enregistrait une forte baisse, de 90%, de même que la Roumanie avec une chute de plus des deux-tiers, la Pologne de 11%, la République tchèque s'attendant à une chute de 75%. La Hongrie a également été affectée.

En fin de matinée, l'Allemagne, selon l'importateur allemand Wingas, enregistrait à son tour une première baisse de l'approvisionnement en gaz russe.

Les effets de la coupure ne se faisaient en revanche pas sentir jusqu'en France où le PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet, ne constatait «aucun impact sur les approvisionnements».

Face à la pénurie, les pays concernés ont, eux, commencé à puiser dans leurs réserves, qui sont considérables. Ainsi, l'Autriche, qui consomme 8 milliards de m3 de gaz par an, dispose de 1,7 milliard de m3 de réserves.

La Russie a coupé le 1er janvier l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine, faute d'un accord sur le prix pour 2009 et sur des arriérés de paiement. Or Moscou fournit aux Européens 40% de leurs importations gazières, qui transitent à 80% par l'Ukraine.

Moscou et Kiev se rejettent mutuellement la responsabilité du conflit, la Russie accusant l'Ukraine de «voler» une partie du gaz russe transitant sur son territoire vers le reste de l'Europe. L'Ukraine accuse la Russie de ne pas fournir le gaz nécessaire aux clients européens.

En 2006 déjà, un différend russo-ukrainien avait fortement perturbé l'approvisionnement en gaz de plusieurs pays d'Europe.

Dès lundi soir, les pays européens s'activaient à trouver une solution, l'Union européenne estimant mardi «complètement inacceptables» les coupures de gaz russe à certains pays membres de l'UE. Les livraisons doivent reprendre «immédiatement», ont exigé la présidence semestrielle tchèque de l'UE et la Commission européenne dans un communiqué.

Une délégation de la présidence tchèque et de la Commission européenne devait rencontrer des dirigeants du géant gazier russe Gazprom ce mardi à Berlin. Le vice-président de Gazprom, Alexandre Medvedev, en tournée européenne pour défendre la position russe, doit rencontrer, également ce mardi dans la capitale allemande, le ministre allemand de l'Economie, Michael Glos.