La Grèce se préparait mardi sous tension aux obsèques de l'adolescent tué par un policier samedi, qui font craindre une nouvelle flambée de violences urbaines malgré l'appel à l'unité de la nation lancé par le Premier ministre, Costas Caramanlis.

Alexis Grigoropoulos, 15 ans, dont la mort samedi sous les balles d'un policier a déclenché les violences, devait être enterré à 15h00 (10 h HNE) à Palio Faliro, une banlieue de la capitale proche du grand port du Pirée où un millier de personnes avaient commencé à se rassembler en début d'après-midi.

La crise, qui a affaibli le gouvernement du Premier ministre conservateur et révèle un profond malaise de la jeunesse, prend de jour en jour une tournure plus politique, avec mardi un appel à la démission du gouvernement lancé par le leader de l'opposition socialiste, Georges Papandréou.

Dans tout le pays, les collèges et lycées sont restés fermés mardi en signe de deuil, sur décision du gouvernement.

A Athènes, de nouveaux incidents ont éclaté à la mi-journée, alors que s'achevait un défilé dans le centre-ville de milliers de lycéens et enseignants. Des manifestants ont lancé un cocktail Molotov et divers projectiles sur les forces de l'ordre, qui barraient l'accès au Parlement et ont ensuite repoussé la foule en tirant des gaz lacrymogènes.

A Salonique, la deuxième ville du pays, 2000 manifestants ont eux aussi été repoussés à coup de gaz lacrymogènes par des policiers, auparavant visés par une pluie de projectiles.

D'autres manifestations étaient attendues dans la soirée, alors que la tension restait vive dans le quartier étudiant de la capitale.

Costas Caramanlis a lancé mardi matin un appel à l'unité de la nation et du monde politique contre les fauteurs de troubles.

«Le monde politique doit unanimement et catégoriquement condamner et isoler les auteurs des destructions. C'est notre devoir démocratique, c'est ce qu'exigent les citoyens, et c'est ce qu'impose notre devoir national», a-t-il affirmé, après une brève entrevue avec le chef de l'Etat, Carolos Papoulias.

Mais Georges Papandréou, qu'il a ensuite rencontré, a décliné la main tendue: il a réclamé la démission du gouvernement conservateur, réélu en septembre 2007, et la tenue d'élections.

M. Caramanlis devait aussi s'entretenir avec les dirigeants de l'opposition communiste, de la gauche radicale et de l'extrême-droite.

Dans sa première intervention lundi, il avait durci le ton, soulignant que les troubles «ne peuvent pas et ne seront pas tolérés».

Ces menaces n'ont pas empêché une troisième nuit de violences lundi soir dans les centres d'Athènes et Salonique, avec de nombreux magasins et banques vandalisés et des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, signe selon les observateurs d'un profond malaise et d'une radicalisation de la jeunesse grecque minée par l'insécurité économique, le chômage et les bas salaires.

Ces violences ont éclaté en marge de manifestations de protestation contre la bavure policière qui ont réuni plusieurs milliers de personnes à l'appel de la gauche parlementaire.

Cette explosion de colère met en difficulté le gouvernement de M. Caramanlis, déjà déstabilisé par une série de scandales et les retombées de la crise économique, et désormais devancé dans les sondages, pour la première fois depuis cinq ans, par le Pasok, le grand parti d'opposition socialiste.

L'incapacité des autorités à ramener le calme était soulignée mardi par la presse grecque, de droite comme de gauche, qui dénonçait un «vide de pouvoir» face à «l'anarchie».

Dès lundi soir, les médias audiovisuels avaient pointé l'inefficacité des forces de l'ordre, sur la défensive face aux manifestants, forçant le ministre de l'Intérieur, Prokopis Pavlopoulos, à monter au créneau pour défendre le travail de la police, qui a selon lui «fait tout le nécessaire pour protéger la vie humaine et la propriété».

Jusque dans le quartier chic de Kolonaki, les carcasses carbonisées de voitures, les alignements de vitrines brisées et les tas de poubelles fumants attestaient pourtant mardi matin du champ laissé à la rage des contestataires.

La police a annoncé avoir arrêté 87 personnes, des pillards pour la plupart, à Athènes et précisé que douze policiers avaient été blessés dans les affrontements avec les jeunes.

Les pompiers ont dû intervenir à 190 reprises et ont éteint des incendies dans une centaine de bâtiments et sur une vingtaine de 20 véhicules.

D'autres villes ont aussi été gagnées par les affrontements et vandalismes lundi soir, comme Patras, dans le Péloponnèse, Larissa, dans le centre, la Canée, en Crète et Ioannina (nord-ouest).

Le policier qui a tiré sur Alexis Grigoropoulos a été arrêté et inculpé d'«homicide volontaire», tandis que le collègue qui l'accompagnait était appréhendé pour «complicité».