Le patriarche Alexis II, chef de la puissante Eglise orthodoxe russe, qui présida au renouveau post-soviétique de la foi, est décédé vendredi à l'âge de 79 ans.

Il s'est éteint dans sa résidence près de Moscou, a annoncé l'Eglise orthodoxe, sans préciser la cause de sa mort. Le 15ème patriarche de Moscou et de toutes les Russies souffrait cependant depuis longtemps d'une maladie cardiaque.

Alexis était arrivé à la tête de l'Eglise orthodoxe russe en 1990, au moment où l'Union soviétique officiellement athée assouplissait ses restrictions en matière de religion. Après l'effondrement de l'URSS l'année suivante, l'audience de l'Eglise grimpa en flèche.

Les dômes des églises retrouvèrent les dorures dont ils avaient été privés sous l'ère soviétique, les églises converties en entrepôts ou laissées à l'abandon furent restaurées et des messes longues de plusieurs heures célébrées lors de grandes fêtes religieuses furent diffusées en direct à la télévision nationale.

Aujourd'hui, l'Eglise orthodoxe russe compterait quelque 142 millions de fidèles, soit les deux-tiers de la population russe.

Mais le patriarche ne cachait pas sa vive contrariété devant ce qu'il qualifiait de tentatives menées par d'autres églises chrétiennes pour débaucher des fidèles.

Ces reproches visaient l'Eglise catholique romaine, et Alexis II refusa d'accepter une visite du pape en Russie jusqu'au règlement de la question du prosélytisme. En octobre 2007, il avait effectué une visite sans précédent en France, placée sous le signe des «liens très anciens d'estime et d'amitié» avec l'Eglise catholique de France, tout en précisant qu'elle ne devait pas être interprétée comme un prélude à une rencontre avec le pape Benoît XVI.

«Le patriarche Alexis II a eu la tâche d'être à la tête de l'Eglise à un moment de grande transformation», a observé le secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité chrétienne, Mgr Brian Farrell, cité par l'agence italienne ANSA. «Il a été capable d'assumer cette tâche avec un grand sens de la responsabilité et l'amour de la tradition russe».

Alexis II aura vécu assez longtemps pour être témoin de la résolution d'un autre grand différend religieux. En 2007, il signait un pacte avec le métropolite Laure, primat de l'Eglise orthodoxe russe hors frontières, en vue du rapprochement des églises.

En 1997, le patriarche de Moscou fit pression avec succès pour le passage d'une loi sur la religion qui instaurait des restrictions concernant les activités de religions autres que l'orthodoxie russe, l'islam, le judaïsme et le bouddhisme. Sous son patriarcat, l'Eglise orthodoxe russe s'opposa à des églises orthodoxes schismatiques en Ukraine, affirmant que l'église ukrainienne devait rester sous le contrôle de Moscou.

Né Alexeï Mikhailovich Ridiger le 23 février 1929 à Tallinn, en Estonie, fils de prêtre, Alexis II accompagna souvent ses parents lors de pèlerinages dans des églises et monastères, et aida son père lorsqu'il visitait les détenus des camps de concentration nazis en Estonie. C'est à cette occasion que le futur Alexis II décida de consacrer sa vie à la religion.

Sous le régime soviétique, ce n'était pas un choix facile. Lénine et Staline supprimèrent la religion et des milliers d'églises furent détruites ou transformées, en musées consacrés à l'athéisme, ou en écuries. Nombre de prêtres et de paroissiens étaient persécutés pour leur croyance. Les persécutions se firent moins dures au cours de la Seconde guerre mondiale, quand Staline découvrit que l'église pouvait servir d'instrument de propagande dans le combat contre les Nazis. Mais les autorités soviétiques ne relâchèrent jamais totalement leur étau.

Ordonné prêtre en 1950, Alexis II progressa dans la hiérarchie orthodoxe et devint évêque de Tallin et d'Estonie en 1961.