Le premier ministre russe Vladimir Poutine a esquissé jeudi une possible détente entre Moscou et Washington après des années de tensions aux relents de guerre froide.

«Généralement, quand le pouvoir change dans un pays, des changements (de politique étrangère, ndlr) ont lieu, surtout s'il s'agit d'une super-puissance comme les États-Unis», a-t-il dit, interrogé sur la nouvelle administration américaine, pendant une séance télévisée de questions-réponses avec ses concitoyens.

«Il y a déjà de premiers signaux positifs», a ajouté M. Poutine au lendemain de la décision de l'OTAN de reprendre son dialogue avec Moscou et de refuser dans l'immédiat à la Géorgie et l'Ukraine le statut de candidats à l'Alliance, à la grande satisfaction de la Russie.

«Si ce ne sont pas que des mots et si cela se transforme en une politique concrète, notre réaction sera adéquate et nos partenaires américains le ressentiront aussitôt», a assuré le premier ministre russe.

Pour Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue La Russie dans la politique mondiale, «la Russie voit dans ces décisions de l'Alliance un geste de bonne volonté de Washington longtemps attendu».

«La balle était dans le camp des Américains : c'est Washington qui a tout gâché, c'était à lui de faire le premier pas», affirme-t-il.

Après une lune de miel au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, notamment dans la lutte contre le terrorisme, Moscou n'a pas réussi à préserver une relation privilégiée avec Washington qui a largement ignoré ses intérêts, note M. Loukianov.

Les États-Unis se sont retirés en 2002 du traité ABM limitant le nombre des armes balistiques nucléaires afin de mener à bien leur projet de défense antimissile en Europe, tandis que l'OTAN s'étendait jusqu'aux portes de la Russie et que des pro-occidentaux prenaient le pouvoir à Kiev et à Tbilissi.

En mai 2006, le vice-président américain Dick Cheney critiquait à Vilnius la Russie sur les droits de l'Homme et l'accusait d'utiliser le «gaz et le pétrole comme instruments de manipulation et de chantage».

En février 2007, Vladimir Poutine reprochait, à son tour, aux États-Unis, dans un discours à Munich, de «déborder de leurs frontières nationales dans tous les domaines».

L'offensive militaire de la Géorgie en août dans sa région séparatiste d'Ossétie du Sud, suivie d'une intervention des forces russes, a exacerbé les tensions, Moscou accusant ouvertement Washington de soutenir «le régime criminel» du président géorgien Mikheil Saakachvili.

Le 5 novembre, la Russie est également la seule à accueillir l'élection de Barack Obama à la Maison-Blanche par une salve antiaméricaine : dans son premier discours à la Nation, le président Dmitri Medvedev fait alors retomber sur les États-Unis la responsabilité de la guerre en Géorgie et de la crise financière internationale.

Et promet le déploiement de missiles dans la région de Kaliningrad, enclave russe entre la Pologne et la Lituanie, pour contrer le projet d'installation d'éléments du bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque.

«Tout en échangeant des coups avec Washington, Moscou attendait le premier pas de sa part», estime Sergueï Kolmakov, analyste indépendant.

C'est la réticence de Barack Obama sur le déploiement du bouclier antimissile américain en Europe qui laisse entrevoir une éventuelle détente, croit-il savoir.

«Si Washington continue dans ce sens, la réaction de Moscou sera adéquate comme l'a promis Poutine», commente Valéri Garbousov, à l'Institut russe des États-Unis et du Canada.

«Pas de bouclier en Europe, pas de (missiles russes) Iskander à Kaliningrad», conclut-il.