Le religieux musulman radical Abou Qatada, un temps considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaeda en Europe, a été renvoyé en prison mardi pour avoir violé les termes de sa liberté conditionnelle, alors que Londres cherche toujours à obtenir son extradition vers la Jordanie.

 

Le Jordanien d'origine palestinienne, en liberté surveillée depuis plusieurs mois avec un couvre-feu de 22 heures par jour, avait été arrêté début novembre après que les autorités eurent identifié «un risque accru» qu'il «ne disparaisse».

Les juges d'une commission spéciale chargée d'examiner les conditions de la liberté surveillée du prédicateur musulman, ont décidé de le renvoyer en détention au vu notamment d'informations émanant du ministère de l'Intérieur sur un complot destiné à lui permettre de quitter le pays.

D'autres éléments, fournis par les services de renseignement intérieur, le MI5, ont été présentés aux juges à huis clos et n'ont pas été rendus publics.

«Pour les raisons soulignées dans le jugement, la commission révoque la liberté surveillée et ordonne la détention de M. Othman», a déclaré le juge John Mitting en employant le vrai nom du chef religieux, Omar Mahmoud Mohammed Othman.

Ni Abou Qatada, âgé de 47 ans, ni ses avocats n'étaient présents au tribunal pour entendre le jugement.

La ministre britannique de l'Intérieur Jacqui Smith a immédiatement fait part de sa satisfaction : «Je suis satisfaite que le tribunal ait décidé que la liberté conditionnelle de M. Qatada soit révoquée», a-t-elle déclaré.

«Il représente une menace importante pour la sécurité du pays et je suis satisfaite qu'il soit placé en détention en attendant son expulsion, que je m'efforce d'obtenir», a déclaré la ministre.

Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs lancé une enquête sur des allégations publiées en novembre par le journal populaire The Sun indiquant que Qatada est accusé d'avoir tenté de fuir au Liban.

Le quotidien affirme en outre qu'il aurait pu bénéficier de l'aide d'Omar Bakri, imam radical résidant au Liban après avoir été chassé du Royaume-Uni.

Contacté par l'AFP, cheikh Bakri a formellement démenti toute implication. «Il s'agit d'une pure invention», a-t-il dit.

Abou Qatada, figure de proue du «Londonistan», la mouvance islamiste à Londres, est arrivé au Royaume-Uni en 1993 en provenance du Pakistan avec un faux passeport des Emirats Arabes Unis pour demander l'asile politique.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, il est passé dans la clandestinité alors la Jordanie le recherchait.

Les liens d'Abou Qatada, qui appelait les musulmans britanniques à la guerre sainte, avec Richard Reid, le kamikaze qui avait tenté de faire sauter un vol Paris-Miami avec des chaussures piégées en décembre 2001, et Zacarias Moussaoui, condamné pour les attentats du 11 septembre, ont été mis en évidence.

Le chef religieux a été arrêté en 2002 et a passé trois ans en prison. Il a ensuite été renvoyé derrière les barreaux en août 2005 en vertu de mesures de répression contre des terroristes présumés après les attentats perpétrés à Londres cet été là.

Il a également été condamné à deux reprises en Jordanie, en 1998 et 2000, à 15 ans de travaux forcés pour activités terroristes et «liens avec Al-Qaeda». La Jordanie a demandé son extradition.

La justice britannique a interdit cette extradition en appel, évoquant la possibilité que M. Qatada puisse subir de mauvais traitements de retour dans son pays, une décision que conteste devant la justice le gouvernement britannique.

Pour le juge espagnol Baltasar Garzon, Abou Qatada a été l'«ambassadeur européen de ben Laden» ou encore le «chef spirituel d'Al-Qaeda» en Europe.