Dans sa maison du Vieux-Lille, il y a des oeuvres d'art africaines, des livres à la pelletée et un jardin où elle se promet de mettre très bientôt un peu d'ordre.

Élue de justesse à la direction du parti socialiste français, Martine Aubry a longtemps traîné une image de rudesse et de sévérité. Mais selon une journaliste française qui l'a suivie de près au cours des dernières semaines, c'est aussi une bonne vivante pleine d'humour, qui marche d'un pas énergique et qui n'est pas «chochotte» pour deux sous.

 

Son style se situe aux antipodes de celui de Ségolène Royal qu'elle vient d'affronter dans un combat sans merci. Les deux femmes sont issues de l'aile modérée du parti, et elles ont toutes deux passé depuis un bon moment le cap de la cinquantaine. Mais c'est à peu près tout ce qu'elles ont en commun.

Martine Aubry porte des tailleurs sombres, a des manières brusques et le tutoiement facile: on est à des lieues des allures de dame distante de Ségolène Royal. Les deux adversaires se vouent d'ailleurs un mépris mutuel. Aux yeux de Martine Aubry, Ségolène Royal est une «évaporée autoritaire», note un correspondant français du quotidien The Independent. Mme Royal, de son côté, considérerait la nouvelle première secrétaire du PS comme un «dinosaure mal fagoté».

Dans la marmite

Martine Aubry est tombée dans la politique presque en venant au monde. Son père, Jacques Delors, a été ministre de l'Économie avant de présider pendant 10 ans la Commission européenne.

Chez les Delors, ça discutait ferme. Martine Aubry a choisi la voie de l'administration publique. Son frère Jean-Paul a opté pour le journalisme. Il est mort de leucémie au début des années 80, un coup dur pour la future leader socialiste. «Une épreuve pareille, ça donne le sens des priorités», a-t-elle confié récemment au quotidien Libération.

Ascension

À 38 ans, Martine Aubry devient numéro 3 au sein de la société Pechiney, une expérience qui lui permet d'engranger de nombreux contacts dans le monde industriel français. Mais à peine trois ans plus tard, le gouvernemen t socialiste de l'époque la recrute comme ministre du Travail.

En 1997, à la tête d'un méga ministère regroupant les portefeuilles de l'Emploi, de l'Intégration et de la Sécurité sociale, elle sera l'auteure de la fameuse «loi des 35 heures» dont le bilan controversé continue de lui coller à la peau.

Récemment, elle a défendu «sa» semaine de 35 heures en disant que «c'était la chose à faire à l'époque». Plusieurs en ont déduit que ce n'est plus ce qu'elle ferait aujourd'hui, une façon de se distancer d'un bagage devenu trop lourd...

Son legs a été durement critiqué dans un livre intitulé La dame des 35 heures, ouvrage qui lui avait asséné un rude coup, tout juste avant que Martine Aubry, devenue alors mairesse de Lille, ne subisse une défaite-surprise aux législatives de 2002.

La star montante des socialistes avait alors été battue par un candidat obscur dans une circonscription habituellement acquise à la gauche: le coup a été tellement rude que le soir de sa défaite, la «dame de fer» de l'Hexagone a carrément éclaté en larmes.

Une observatrice de la scène politique française croit que cette défaite, dans une carrière qui était allée jusqu'alors de succès en succès, aura un peu ramolli sa carapace. Une souplesse qui lui sera bien utile quand viendra le temps de soigner les plaies de son parti au lendemain d'une course fratricide.