Le procès du meurtre de la journaliste russe Anna Politkovskaïa s'est poursuivi mercredi à Moscou avec l'examen des premières pièces à conviction, notamment les balles extraites de son corps et des documents qui ont permis de reconstituer ses dernières minutes.

Selon un procès-verbal lu par le procureur Ioulia Savina, le corps d'Anna Politkovskaïa a été découvert le 7 octobre 2006 dans l'ascenseur de l'immeuble où elle habitait, rue Lesnaïa, dans le centre de Moscou.

«Mme Politkovskaïa est entrée dans l'ascenseur, s'est retournée et a levé la main pour appuyer sur le bouton. C'est à ce moment qu'elle a été attaquée», selon les conclusions des expertises médico-légale et balistique lues par le procureur.

«L'assassin a d'abord tiré dans la tempe gauche. Cette balle s'est logée dans la tête. Politkovskaïa a commencé à tomber. Les deux balles suivantes ont traversé le cou et le dos. La victime est tombée. L'assassin s'est approché plus près, tirant dans une hanche. Puis, il s'est rapproché encore plus près, pour tirer dans la tête». Les deux dernières balles se sont également logées dans le corps.

«La mort de Mme Politkovskaïa a été provoquée par des blessures par balles à la tête, à la poitrine et à la hanche (...) aggravés par un état de choc et une perte de sang considérable. Sa mort a eu lieu en dix minutes», a déclaré le procureur, citant les expertises.

Les 19 jurés, dont 11 femmes, ont examiné des photos prises sur les lieux du crime et les trois balles de calibre 9 mm extraites du corps de Mme Politkovskaïa.

Les enfants de la journaliste, son fils Ilia et sa fille Vera, assis au premier banc, aux côtés des parents de deux accusés tchétchènes, ont pris des notes et échangé quelques mots avec leurs avocats. Les accusés étaient assis, silencieux, dans le box ayant l'apparence d'une cage.

Selon les experts, l'arme utilisée et retrouvée sur les lieux du meurtre, est un pistolet de fabrication artisanale, fait à partir d'un pistolet à gaz, muni d'un silencieux.

Auparavant, le tribunal a rejeté une requête du Parquet sur la révocation du président de la chambre, considérée «comme sans fondement», a indiqué un porte-parole du tribunal.

Le procureur avait demandé que le juge Evguéni Zoubov soit relevé de ses fonctions pour avoir prononcé illégalement, selon lui, le huis clos. Les avocats de la défense et de la famille de la victime s'y étaient opposés.

Le huis clos avait été levé mardi, au grand soulagement de la famille et des proches de la victime.

Les débats publics reprennent jeudi à 08H30 GMT avec des témoignages des enfants de Mme Politkovskaïa.

Le tribunal a annoncé que 45 journées d'audience seraient consacrées à ce procès, selon l'avocat de l'un des accusés, Valéri Tchernikov, cité par l'agence Interfax.

Cet avocat défend Pavel Riagouzov, un agent du FSB (sécurité fédérale intérieure), soupçonné d'avoir fourni l'adresse de la journaliste aux meurtriers. Deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov, accusés d'avoir organisé la surveillance de la victime, comparaissent également, ainsi qu'un membre de la police criminelle, Sergueï Khadjikourbanov.

D'après la défense, l'acte d'accusation désigne un homme politique non identifié en Russie comme étant le commanditaire du crime. Aucun des accusés ne reconnaît sa culpabilité.