Bébé martyr, «Fritzl britannique»: la polémique enflait mercredi au Royaume-Uni après deux faits divers sordides qui ont révélé des lacunes alarmantes des services de protection de l'enfance.

Une enquête indépendante a été lancée mercredi pour tenter de savoir comment la police, l'école et les services spécialisés des comtés du Yorkshire-sud et du Lincolnshire n'ont pas su détecter le calvaire subi pendant plus d'un quart de siècle par les deux filles d'un Britannique de 56 ans.

Ce chômeur, dont le nom est tenu secret pour des raisons légales, a été condamné à la prison à vie mardi, avec une peine incompressible de 19 ans et demi, pour avoir violé ses deux filles pendant 25 ans, leur faisant au total neuf enfants dont deux sont morts-nés.

Celui que la presse a immédiatement baptisé le «Fritzl britannique» -du nom de cet Autrichien de 73 qui a séquestré sa fille pendant 24 ans dans une cave et lui a fait sept enfants- avait commencé à violer ses filles en 1981 alors qu'elles avaient 8 et 10 ans. Si elles résistaient, il les frappait violemment, ou approchait leur visage d'une flamme jusqu'à leur brûler les cils ou les bras.

Pour éviter d'être découvert, il obligeait sa famille à déménager fréquemment, dans des zones rurales. La mère, elle, avait quitté le foyer au début des années 90.

Des soupçons, des rumeurs, avaient éveillé à plusieurs reprises l'attention des services spécialisés, sans jamais déclencher d'enquête approfondie.

Les soeurs avaient bien tenté d'alerter les autorités en appelant une ligne téléphonique spécialisée dans la protection de l'enfance maltraitée mais elles avaient raccroché faute d'avoir obtenu la certitude de garder leurs enfants si elles révélaient aux autorités l'identité de leur père.

Mercredi, le Premier ministre Gordon Brown lui-même s'est dit «effaré» par cette affaire «indicible», confirmant que des enquêtes approfondies allaient être menées.

«Les gens se demanderont à juste titre comment de tels abus ont pu se poursuivre pendant si longtemps sans que les autorités et les services publics ne le découvrent et n'agissent», s'est-il indigné devant les députés. «Si le système a failli et si des changements sont nécessaires, alors nous changerons le système à la suite de ces enquêtes».

L'affaire du «Fritzl britannique» a d'autant plus de retentissement au Royaume-Uni qu'elle survient deux semaines après un autre scandale qui a bouleversé l'opinion publique: la mort d'un bébé de 17 mois, qui a succombé à huit mois de sévices.

L'opposition conservatrice, relayée par une partie de la presse, avait demandé la tête des responsables des services de protection de l'enfance de la municipalité de Haringey, un quartier du nord de Londres où la mort d'une petite Ivoirienne de huit ans dans des conditions similaires avait déjà choqué le pays en 2000.

Comme pour le père incestueux, le cas douloureux de «baby P» -son identité est là aussi tenue secrète- avait éclaté au grand jour lorsque la justice avait reconnu coupables la mère et le beau-père de l'enfant, mort en août 2007. Leur peine doit être prononcée le 15 décembre.

Le Sun, quotidien populaire le plus lu du pays, a lancé une pétition nationale pour obtenir la démission des responsables de ce fiasco au conseil municipal de Haringey. Il devait remettre mercredi à Downing Street plus d'un million de signatures.

Ce journal a contribué à alimenter la polémique en publiant régulièrement des articles sur l'affaire. Comme de nombreux médias britanniques, il publie quasi-quotidiennement une photo du bébé avant le drame, un adorable blondinet dont les grands yeux bleus ont bouleversé le pays.