Plus dure est la chute. Beaucoup de souviennent encore du flamboyant ministre français des Affaires étrangères qui, en février 2003, se livrait devant le Conseil de sécurité de l'ONU à un vibrant réquisitoire contre l'intervention américaine en Irak.

Dominique de Villepin est désormais un ancien dirigeant politique formellement accusé d'avoir au cours de l'année 2004 participé à un complot contre Nicolas Sarkozy, en rupture ouverte avec le président Chirac et qui faisait déjà figure de favori à la prochaine élection présidentielle.

 

Sous des accusations principales de «complicité de dénonciation calomnieuse», de «complicité d'usage de faux» et de «recel de vol», l'ancien premier ministre, aujourd'hui âgé de 55 ans, sera sur le banc des accusés en 2009.

Pour simplifier: Villepin est accusé, dès le mois de janvier 2004, d'avoir utilisé des listes bancaires trafiquées où apparaissait - entre autres personnalités politiques - le nom de Nicolas Sarkozy en tant que détenteur d'un compte secret à la chambre de compensation Clearstream. En gros: le rival de Chirac était soupçonné d'avoir placé au Luxembourg de très grosses sommes d'argent provenant de commissions occultes sur la vente de frégates à Taiwan.

Distillée à petites doses par des fuites dans les journaux, puis transmise anonymement à un juge d'instruction enquêtant sur le dossier des frégates, l'affaire avait duré quelques mois avant qu'on ne découvre hors de tout doute que les listes bancaires étaient des faux grossiers. À l'origine de cette ténébreuse conspiration, un ancien et bien étrange vice-président d'EADS, Jean-Louis Gergorin, un proche de Dominique de Villepin, à qui il aurait apporté les faux documents, un informaticien qui les aurait fabriqués, Imad Lahoud, et un journaliste indépendant, Denis Robert, qui aurait relayé cette fausse information.

Pour Villepin, le détail qui tue, c'est une réunion tenue le 9 janvier 2004 dans son bureau du Quai d'Orsay. Selon des notes saisies sur l'ordinateur du général Rondot, un vétéran des services secrets, M. de Villepin aurait incité ce dernier à impliquer nommément Nicolas Sarkozy. Peut-être sur ordre du président Chirac. Selon les magistrats, Villepin aurait continué jusqu'à l'été, tout en sachant que les listes étaient des faux. Ce qu'il a toujours nié catégoriquement.

Dans un communiqué transmis hier à l'AFP, il réitérait ses protestations, parlant d'un «procès d'intention»: «tout au long de l'instruction, la vérité des faits a été détournée au profit d'une seule partie civile (plaignant) qui est aujourd'hui président de la République».

Qu'il y ait autour de cette affaire «un lourd parfum de règlement de comptes», comme le disait hier le leader centriste François Bayrou, paraît une évidence. Entre Villepin et Sarkozy, il y a depuis des années une forte inimitié, et le président reste l'un des principaux plaignants. Mais le dossier reste extrêmement embarrassant pour Dominique de Villepin.

Un autre ancien premier ministre, Alain Juppé, avait été condamné le 1er décembre 2004 à 14 mois de prison avec sursis, mais dans une affaire plus «classique» de financement illégal des partis politiques, à une époque lointaine où, de 1988 à 1995, il était adjoint aux finances à la mairie de Paris. Sa carrière politique en avait été profondément affectée.