Le procès de participants présumés au meurtre de la journaliste russe Anna Politkovskaïa s'est poursuivi à huis clos mercredi, sur décision du juge, au grand dam de la famille et de son journal qui craignent que la lumière ne soit jamais faite sur cette affaire.

Les quatre prévenus, des seconds couteaux accusés de complicité dans l'organisation du crime, ont dans la foulée plaidé non coupable, a annoncé la défense. Comme auparavant, le commanditaire n'est pas identifié, tandis que le tueur court toujours.

«Désormais le procès se déroulera à huis clos (...) Il en va de la sécurité des participants au procès et de leurs proches», a déclaré le juge, Evguéni Zoubov, revenant ainsi sur sa décision initiale prise lundi à l'ouverture du procès au tribunal militaire de Moscou.

Les proches d'Anna Politkovskaïa réclamaient pour leur part un procès public pour assurer le maximum de publicité aux audiences, de nombreuses zones d'ombre demeurant et le risque de ne jamais voir l'enquête aboutir restant grand.

«Bien sûr que nous n'aimons pas le huis clos, c'est mauvais. Il n'y a rien de mal à avoir des journalistes ici», a déclaré le fils de la victime, Ilia Politkovski.

«Je pense que ce procès aurait dû être public, comme tous les procès, et parce qu'Anna Politkovskaïa était un personnage public et que le public devrait connaître les circonstances de sa mort», a ajouté l'avocate de la famille, Karinna Moskalenko.

Le rédacteur en chef du bihebdomadaire Novaïa Gazeta pour lequel Anna Politkovskaïa travaillait, Dmitri Mouratov, a qualifié de «honte» la décision du tribunal. «C'est une décision de couloir, prise en petit comité. C'est terrible», a-t-il dit.

«Nous aurons notre (propre) procès dans les pages du journal. Une telle décision a été prise parce que les jurés refusaient de siéger en présence de la presse. Il n'y avait aucune menace», a affirmé M. Mouratov sur les ondes de la radio L'Echo de Moscou.

La journaliste, une des rares à avoir continué à couvrir le conflit en Tchétchénie au début des années 2000 et à dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme en Russie, a été assassinée le 7 octobre 2006 dans le hall de son immeuble à Moscou.

Plusieurs pistes ont alors été évoquées, d'une vengeance tchétchène au meurtre politique commandité par un clan au pouvoir contre un autre à un moment où la question de la succession de Vladimir Poutine au Kremlin se posait, à un an de la présidentielle.

Symbole troublant supplémentaire, le crime a été commis le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine.

Outre un agent du FSB (services de la sécurité intérieure), Pavel Riagouzov, soupçonné d'avoir fourni l'adresse de la journaliste, deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov, comparaissent pour avoir organisé la surveillance de la victime ainsi qu'un membre de la police criminelle, Sergueï Khadjikourbanov.

«Tous les quatre ont plaidé non coupable», a déclaré à l'AFP Mourad Moussaïev, avocat de Djabraïl Makhmoudov.

Le procureur a commencé mercredi à lire l'acte d'accusation.

«Il n'y a eu aucune surprise. Il a été dit que les deux frères étaient près du lieu du crime avec le tueur présumé, Roustam Makhmoudov (troisième frère Makhmoudov) et on a montré les liens entre eux au moyen d'appels téléphoniques», a raconté Me Moskalenko à l'AFP.

«Khadjikourbanov est accusé d'avoir organisé le meurtre et d'avoir fourni l'arme», a-t-elle ajouté.

Le procès se déroule dans un tribunal militaire en raison de l'appartenance d'un des accusés au FSB.

Le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta a à plusieurs reprises montré du doigt ce dernier, estimant que des agents des services de sécurité avaient «organisé» et «coordonné» le meurtre.