Le président français Nicolas Sarkozy a nommé mercredi un premier préfet d'origine africaine, alors que l'élection de Barack Obama aux Etats-Unis a relancé le débat en France sur la faible représentation des minorités dans la vie politique et l'administration.

Pierre N'Gahane, haut fonctionnaire originaire du Cameroun et âgé de 45 ans, a été nommé préfet, soit principal représentant de l'Etat, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence (sud).

Une nomination à forte charge symbolique, intervenue huit jours après l'élection de Barack Obama à la Maison Blanche, bien que la majorité au pouvoir en France se soit défendue de tout lien avec l'actualité.

«C'est une nomination qui est dans les tuyaux depuis longtemps, donc il ne faut pas y voir un effet d'actualité, simplement l'effet d'une politique continue», a affirmé le numéro un de l'UMP (parti de droite au pouvoir), Patrick Devedjian, tandis que la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie voyait dans cette nomination «la reconnaissance des qualités d'un homme».

La France a déjà eu des préfets noirs ou d'origine maghrébine, mais en très petit nombre.

L'élection de M. Obama à la Maison Blanche a relancé en France le débat sur la faible présence, voire l'absence, de représentants des minorités dans la vie publique.

La France est un des pays d'Europe qui compte le plus de Noirs, en raison de son passé colonial, ainsi que plusieurs millions de personnes d'origine maghrébine, mais la classe politique est quasi exclusivement blanche.

Divers mouvements noirs et issus de l'immigration ont donné de la voix pour réclamer la prise en compte de la diversité française et demander une meilleure représentation des minorités.

Et un «manifeste pour l'égalité réelle», publié par Le Journal du Dimanche, a été lancé pour réclamer des politiques «résolument volontaristes» en faveur de l'équité et de la diversité. Signé par des personnalités de tous bords, il est soutenu par Carla Bruni-Sarkozy, la femme du président français.

Ce dernier s'est déjà prononcé en faveur de la discrimination positive, c'est-à-dire la promotion des minorités par l'instauration de quotas pour certaines fonctions ou l'accès aux grandes écoles. Mais le concept d'inspiration américaine est peu prisé en France en raison du principe républicain d'égalité qui interdit les statistiques sur une base ethnique.

Nicolas Sarkozy se targue d'avoir été le premier à nommer à des postes importants des personnes issues de la diversité. Au premier rang de cette politique de nominations figurent la ministre de la Justice Rachida Dati, d'origine maghrébine et musulmane, et la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade, d'origine sénégalaise.

Mais cette politique ne peut à elle seule résoudre les blocages de la société et de la classe politique française en matière de diversité.

«Dans ce domaine, le retard français est accablant», écrit mercredi le chercheur Zaki Laidi dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde.

«La diversité continue à être fondée sur une logique d'octroi. Elle est un privilège régalien que Nicolas Sarkozy a mis en place avec beaucoup d'adresse même si les résultats se sont révélés pour le moins mitigés», ajoute-t-il.

Au lendemain de l'élection de Barack Obama, la députée noire de Guyane Christiane Taubira estimait qu'aucun des grands partis français n'avait vraiment «soldé l'héritage colonial» et évoquait des «mécanismes» de blocage ancrés dans la société.

Mercredi, alors qu'était annoncée la nomination de Pierre N'Gahane, le Conseil supérieur de l'audiovisuel français (CSA) a publié une étude sur la diversité à la télévision, montrant notamment que la visibilité des non-blancs n'a progressé que de 1% en neuf ans, date de la dernière étude.

Des résultats jugés «inacceptables» et «intolérables dans la France de 2008» par le CSA.