Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, attendu vendredi en Russie pour la première visite depuis 23 ans, pourrait donner un nouveau souffle à la coopération militaire avec Moscou, un proche allié à l'époque de l'URSS, après avoir redoré son blason en Occident.

 

Signe de l'importance accordée à cette visite, le président russe Dmitri Medvedev le recevra dès vendredi soir dans sa résidence de Meindorf, près de Moscou, pour un dîner avant des entretiens samedi.

M. Kadhafi, qui doit rester jusqu'à dimanche en Russie, a demandé de planter sa tente de bédouin à Moscou, a indiqué jeudi à l'AFP une source au Kremlin, ajoutant que «des discussions» sur son emplacement étaient en cours.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, recevant mercredi Mootassam Kadhafi, fils du dirigeant libyen et membre du Conseil de sécurité nationale, a estimé que cette visite serait un succès.

Les deux responsables ont constaté leur «position commune» en faveur d'un «monde multipolaire», a indiqué jeudi le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, une formule traditionnellement utilisée par Moscou pour s'opposer à la puissance américaine.

Le début de la coopération militaire russo-libyenne remonte à l'arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi en 1969, à la suite d'un putsch qui renversa la monarchie représentée par le roi Idris.

La Libye devint alors un important partenaire de l'URSS et un bon client pour les armes soviétiques, une coopération vue d'un mauvais oeil par Washington.

Mais après la chute de l'empire soviétique, «Kadhafi s'est tourné vers l'Occident», souligne Guennadi Evstafiev, analyste du centre d'études politiques sur la Russie (PIR).

Renonçant en 2003 à son programme d'armes de destruction massive, le «Guide de la révolution» libyen se rapproche alors des puissances occidentales, qui commencent à le courtiser ouvertement, alléchées par des perspectives de contrats, notamment dans l'énergie.

Les relations entre Tripoli et Moscou se sont réchauffées après la visite en avril en Libye de Vladimir Poutine, alors président.

«Kadhafi espérait tirer des bénéfices de sa coopération avec l'Occident, mais apparemment, il n'en a pas obtenu assez» et se tourne à nouveau vers Moscou, estime M. Evstafiev.

Le dirigeant libyen, qui ne voyage pas souvent et dont le dernier voyage à Moscou remonte à 1985, «ne se déplacerait pas pour rien» sur un autre continent, souligne ce politologue, estimant que d'importants contrats pourraient être signés à l'occasion de cette visite.

La Russie pourrait vendre à Tripoli des chasseurs Su-30, des chars T-90, des missiles sol-air M2E et remplacer une partie des armes russes que Tripoli possède déjà, selon le quotidien des affaires russe Vedomosti.

Les contrats de ventes d'armes pourraient dépasser 2 milliards de dollars (1,5 milliard d'euros), indiquait récemment une source au ministère russe de la Défense, citée par l'agence Interfax.

Il pourrait être aussi question d'énergie, après la signature par le géant gazier public russe Gazprom d'un accord provisoire avec la Libye sur la création d'une société commune en vue de réaliser des projets en Libye et dans d'autre pays d'Afrique.

Le rapprochement avec Moscou ne signifie pas pour autant que M. Kadhafi renoncera à la coopération avec l'Occident, estiment les analystes.

Tripoli «va continuer à traire les deux vaches», selon M. Evstafiev.

La Libye devient «un champ de lutte concurrentielle entre la Russie et l'Occident», relève pour sa part le politologue Evgueni Volk de la Fondation américaine Héritage.

En coopérant avec Moscou, la Libye veut «se mettre en valeur et faire peur à l'Occident», pour en fin de compte «tirer des profits des deux parties», ajoute-t-il.

A l'issue de sa visite en Russie, M. Kadhafi doit se rendre au Bélarus et en Ukraine, ont indiqué des sources libyennes à Moscou.