Un dérapage de deux animateurs vedettes de la BBC, parmi les mieux payés, a déclenché une tempête médiatique cette semaine en Grande-Bretagne, fragilisant le groupe public au moment où il est engagé dans une large restructuration et doit renégocier son financement.

Le nombre de plaintes du public à l'organisme de régulation des médias (Ofcom) atteignait plus de 30.000 jeudi après la diffusion le 18 octobre d'un sketch à l'humour douteux dans une émission matinale de BBC Radio 2.

Les animateurs Jonathan Ross et Russell Brand ont appelé Andrew Sachs, un acteur britannique très connu pour son rôle dans une série télévisée, et ont laissé sur son répondeur téléphonique des messages obscènes.

Ce dérapage, au cours duquel Russel Brand dit avoir «couché avec la petite-fille» du comédien, n'a pas fait beaucoup de vagues immédiatement. C'est la réaction de la victime de 78 ans, interrogée par le quotidien conservateur Daily Mail, qui a déclenché une surenchère médiatique éclipsant même la crise financière.

Le Guardian consacrait sa Une jeudi pour le deuxième jour consécutif au scandale, qui dominait aussi les journaux télévisés britanniques.

Le Premier ministre Gordon Brown a interrompu ses pourparlers sur la crise financière à Paris mardi pour réagir, qualifiant d'«inacceptable» la bourde de la BBC.

Le chef de l'opposition conservatrice, David Cameron, a demandé l'ouverture d'une enquête sur le feu vert donné par un responsable de la BBC, dont le nom n'a pas été révélé, à la diffusion de cette émission qui avait été enregistrée.

Devant l'ampleur de la polémique, le directeur-général de la BBC Mark Thompson a interrompu ses vacances et devait jeudi présenter une enquête préliminaire devant le BBC Trust, qui représente les intérêts du public et finance, via la redevance, presqu'entièrement le groupe.

Les conclusions, et d'éventuelles sanctions, devraient être annoncées avant même la fin de la semaine.

Malgré la suspension d'antenne des deux animateurs (l'un a depuis démissionné) et les excuses personnelles du directeur-général et des deux fautifs, les critiques ne font que croître contre la BBC accusée d'avoir une programmation trop influencée par la course à l'audience, notamment celle des jeunes au détriment des plus âgés.

«Malheureusement pour Mark Thomson, cette fureur coïncide avec la fin d'un débat sur l'avenir du service public de radio-télévision», souligne le Guardian.

Les conclusions officielles sur le partage de la redevance, qui finance quasi entièrement la BBC (elle n'a au Royaume-Uni aucune recette publicitaire), devraient être connues d'ici deux mois, alors que la chaîne concurrente Channel Four réclame sa part à grands cris.

La BBC n'a pas obtenu de l'Etat le financement qu'elle escomptait, l'augmentation de la redevance pouvant rester inférieure à l'inflation jusqu'en 2012. Elle a par conséquent dû s'engager dans une restructuration massive avec la suppression prévue de plus de 6000 emplois dont 1800 licenciements.

Or l'animateur incriminé Jonathan Ross a décroché un contrat de trois ans en 2006 avec un salaire annuel de six millions de livres (7,5 millions d'euros), ce qui n'a pas manquer de faire grincer des dents en interne.

Ce dérapage intervient aussi après une série de bévues qui ont fragilisé l'image de rigueur de la BBC, plus grand organisme de radio-télévision au monde.

C'est que le public ne pardonne pas la moindre incartade à «Auntie» «la Tantine», l'un des surnom de la BBC, perçue comme un bien commun et qui doit donc servir de référence.

En septembre 2007, la BBC a été condamnée pour avoir truqué un vote téléphonique dans l'émission pour enfant Blue Peter et, en juillet 2007, elle avait dû présenter des excuses à la reine elle-même pour un documentaire monté à l'envers et faisant croire qu'Elizabeth II avait claqué la porte lors d'une séance de pose avec la photographe Annie Leibovitz.