Les Bélarusses se sont rendus dimanche dans les bureaux de vote décorés d'oeillets et agrémentés de buffets bien garnis, comme à l'époque soviétique, en présence d'observateurs nerveux craignant des fraudes pendant ce scrutin dont l'enjeu va au delà de l'élection de 110 députés

Au bureau 446, situé dans une école non loin du centre historique de la capitale, le président de la commission fait avant l'ouverture ses dernières recommandations à 12 subordonnés assis derrière une longue table couverte d'une nappe blanche impeccable. «Vérifiez bien les pièces d'identité, ah! et aussi faites attention aux jeunes qui ont 18 ans, on leur donnera un petit cadeau pour qu'ils se souviennent de ce jour».

Une femme âgée approche, téléphone portable et carnet de notes à la main, l'air peu charmé par cette ambiance bon enfant. «Vous vous contentez de me dire que 1500 électeurs sont inscrits ici mais je veux voir les listes électorales», lance cette observatrice d'un parti d'opposition.

Une brève altercation éclate. «Vous n'avez que le droit d'observer», lui répond une responsable du bureau de vote en lui montrant des sièges à distance de l'urne en bois.

Un couple d'octogénaires endimanché, arrivé très en avance, ouvre le vote qui se joue dans cette circonscription entre la directrice d'un établissement technique proche du pouvoir et un juriste de l'opposition.

«Nous sommes habitués au pouvoir soviétique, nous sommes disciplinés», explique à l'AFP Nikolaï Zelenkevitch, 82 ans, qui a enseigné pendant 37 ans l'économie et la technologie.

D'autres électeurs arrivent, peu nombreux en cette matinée.

«J'ai voté pour l'homme non pas parce qu'il est de l'opposition mais parce qu'il correspond mieux à ma vision du monde», dit Natalia, psychologue de 35 ans, critiquant au passage le pouvoir qui ne «montre aux gens que ce qui va bien».

Nikolaï Lougovtsov, 27 ans, journaliste sportif à la télévision, est beaucoup plus direct: «les gens normaux ne peuvent pas voter pour un candidat qui a été placé là par (le président bélarusse Alexandre) Loukachenko». «C'est çà notre pays, la dernière dictature d'Europe», lance-t-il.

Deux femmes octogénaires sortent bras dessus, bras dessous d'un bureau voisin. Tamara Golovanova a voté pour l'homme et semble découvrir que c'est un opposant.

«Quelle importance !», dit cette ancienne chirurgienne de 87 ans, fervente partisane de M. Loukachenko qu'elle dit «envoyé par Dieu au peuple bélarusse qui a tant souffert».

Dans les bureaux 447 et 448, les observateurs de l'opposition sont mécontents. «On refuse de nous donner le nombre d'inscrits, nous soupçonnons que cela est fait sciemment pour falsifier le taux de participation», dit à l'AFP Larissa Kozel, observatrice du Parti conservateur chrétien.

C'est le vote anticipé rendant des fraudes faciles qui inquiète le plus les observateurs. Cette procédure permet de voter à l'avance pendant cinq jours, officiellement pour ceux qui ne se trouveraient pas dans leur circonscription dimanche.

L'observateur de l'Organisation pour la sécurité et la Coopération en Europe présent au Bureau 447, Oguz Oyan, a estimé ce vote anticipé à 25% des électeurs, au vu des chiffres qui lui ont été fournis. «Ca me semble élevé, cela ne devrait pas être supérieur à 10%», a-t-il dit à l'AFP.

Au bureau de vote 503 dans un autre quartier, ce taux est de 44,4%. «C'est un chiffre très élevé, on a fait voter de manière anticipée tout le foyer de l'Académie de police. Aujourd'hui, les gens votent mollement, une centaine de personnes seulement jusqu'à midi», a dit à l'AFP une observatrice du Parti communiste.