Le parti travailliste de Gordon Brown organise à partir de samedi à Manchester (nord-ouest) un congrès annuel à haut risque pour l'impopulaire premier ministre, cible d'une nouvelle fronde sur fond de tourmente économique et de sondages abyssaux.

Un peu plus d'un an après son arrivée à Downing Street, où il succédait sans élection à un Tony Blair fatigué, l'austère Gordon Brown pourrait bien jouer son avenir politique lors de ce congrès, du 20 au 24 septembre. Et le discours qu'il prononcera devant les délégués du Labour, en début de semaine prochaine, est considéré comme le plus important de sa carrière.

Il profitera de cette grand-messe travailliste pour tenter de resserrer les rangs, au moins en façade, et de rétablir une autorité de plus en plus contestée.

Depuis une semaine, les rebelles ont en effet redonné de la voix, le jugeant incapable de conduire le Labour à une 4e victoire consécutive lors des prochaines élections générales, au plus tard en 2010.

Une douzaine d'élus ont demandé l'organisation d'un vote sur le maintien de Gordon Brown à la tête du parti. Parmi eux, la vice-présidente du Labour et un membre subalterne du gouvernement, démis depuis, ainsi que six anciens ministres.

Le sous-secrétaire d'État à l'Écosse David Cairns a, pour sa part, préféré démissionner mardi, estimant qu'il était temps de «prendre le taureau par les cornes» en organisant un débat. La direction du parti a rejeté un tel scrutin qui, faute d'un rival crédible face à M. Brown, aurait pu tourner au vote de défiance contre le chef du parti.

Un sondage publié jeudi semble apporter de l'eau au moulin des dissidents: il crédite les Conservateurs du jeune David Cameron d'une avance de 28 points sur les travaillistes qui seraient ainsi décimés en cas de scrutin national.

«Les députés travaillistes (...) proches d'une élimination certaine n'ont plus rien à perdre et c'est ce qui les pousse à agir», analyse Tony Travers, professeur à la London School of Economics (LSE). «Invoquer l'intérêt supérieur et une crise nationale ne sert pas à grand-chose avec eux».

Le congrès du Labour s'annonce ainsi comme l'un des plus fébriles des dernières années.

Le contraste avec celui de 2007 pourrait difficilement être plus fort: M. Brown surfait alors sur une vague de «Gordonmania» au Labour doublée d'une confortable avance dans les sondages.

Mais quelques semaines plus tard, M. Brown renonçait à convoquer un scrutin anticipé. Cette décision controversée allait sonner le début de l'érosion de l'autorité du premier ministre, amplifiée par la mauvaise gestion de la déroute de la banque Northern Rock, puis du retournement du marché immobilier.

Après la débâcle des travaillistes lors d'élections partielles en juin, M. Brown espérait profiter de sa rentrée pour reprendre la main: mais les quelques mesures lâchées début septembre pour relancer le pouvoir d'achat --aide à l'immobilier notamment-- n'ont guère convaincu. En tout cas pas les syndicats, soutiens traditionnels de la gauche britannique.

La tempête financière mondiale qui s'est déclenchée lundi après la faillite de Lehman Brothers, et ses effets sur le Royaume-Uni --qui abrite avec la City de Londres la principale place financière d'Europe-- ont provisoirement relégué au second plan les querelles internes du Labour.

Et cette soudaine aggravation de la crise économique, désormais principale préoccupation des Britanniques, pourrait paradoxalement jouer en faveur de M. Brown, ancien brillant ministre des Finances de Tony Blair pendant les années fastes du New Labour (1997-2007).

Certains pourraient estimer que «le contexte économique est si terrible qu'il est peut-être mieux de garder Gordon Brown parce qu'il paraîtrait un peu idiot de se tourner vers quelqu'un qui a moins d'expérience économique», estime le Pr Patrick Dunleavy, qui enseigne à la LSE.