(Washington) Donald Trump a mis les États-Unis en péril en conservant des documents confidentiels, y compris des secrets militaires et nucléaires, après son départ de la Maison-Blanche, selon un acte d’accusation historique rendu public vendredi.

Aux États-Unis, « les lois sont les mêmes pour tous », a déclaré le procureur spécial chargé de l’enquête, Jack Smith, en révélant ce document lors d’une brève allocution télévisée.

Celles qui « protègent les informations liées à la défense nationale sont essentielles » et « les violer met notre pays en danger », a-t-il asséné, en demandant un « procès rapide » pour le milliardaire républicain.

PHOTO JONATHAN ERNST, REUTERS

Le procureur spécial Jack Smith

Donald Trump avait annoncé jeudi qu’il avait été inculpé par la justice fédérale pour sa gestion des archives de la Maison-Blanche, une première pour un ancien président, et qu’il était convoqué mardi devant un tribunal de Miami.

« Je suis innocent », avait-il clamé, en se présentant comme victime d’une machination orchestrée par ses adversaires démocrates pour lui barrer la route vers la Maison-Blanche, qu’il espère reconquérir en 2024.

L’acte d’inculpation, rendu public vendredi, comporte 37 chefs d’accusation, dont « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », « entrave à la justice » et « faux témoignage ».

« Je ne reconnais plus le pays ! », a commenté Donald Trump sur son réseau Truth Social, en assurant n’avoir « jamais rien eu à cacher ».

Mar-a-Lago

Aux États-Unis, une loi oblige les présidents à transmettre tous leurs courriels, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales. Une autre, sur l’espionnage, interdit de conserver des secrets d’État dans des lieux non autorisés et non sécurisés.

En janvier 2021, quand il avait quitté la Maison-Blanche pour s’installer dans sa luxueuse résidence Mar-a-Lago, en Floride, Donald Trump avait pourtant emporté des dizaines de cartons emplis de dossiers.

D’après l’acte d’accusation, ils étaient restés empilés sur la scène d’une « salle de bal », avant d’être transportés dans un « débarras » accessible de la piscine, où certains documents marqués de la mention « secret défense » avaient été vus étalés sur le sol.

Une photo reproduite dans ce document montre des piles de boîtes derrière des toilettes dans une grande salle de bains.

PHOTO DÉPARTEMENT DE LA JUSTICE DES ÉTATS-UNIS, FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Boîtes de documents entreposées à Mar-a-Lago, résidence de Donald Trump en Floride. Cette photo – et d’autres du même genre – est incluse dans l’acte d’accusation rendu public vendredi.

En janvier 2022, après plusieurs relances, il avait accepté de restituer 15 boîtes contenant près de 200 documents classifiés.

La police fédérale avait toutefois estimé qu’il n’avait pas tout rendu et en conservait encore beaucoup dans son club à Palm Beach. En mai, une assignation à produire les documents manquants avait été adressée à Donald Trump.

Ses avocats avaient restitué 38 documents supplémentaires. Toujours convaincus qu’il en manquait, des agents du FBI avaient effectué une perquisition spectaculaire à Mar-a-Lago le 8 août 2022 et avaient saisi une trentaine d’autres boîtes, contenant 11 000 documents.

D’après l’acte d’accusation, ces derniers « incluaient des informations sur les capacités de défense des États-Unis et de pays étrangers », « sur les programmes nucléaires » américains et « sur les vulnérabilités potentielles en cas d’attaque contre les États-Unis et leurs alliés ».

Outre Donald Trump, l’acte d’accusation concerne son ancien assistant personnel, Walt Nauta, accusé d’avoir déplacé, à la demande de son patron, des cartons pour les dissimuler.

Les républicains derrière Trump

Un autre procureur spécial enquête en parallèle sur des documents classés confidentiels retrouvés en début d’année dans un ancien bureau et au domicile du président démocrate Joe Biden par ses avocats.

Ces trouvailles embarrassantes, ainsi que d’autres chez l’ex-vice-président Mike Pence, ont permis à Donald Trump de minimiser la gravité de sa conduite, même si Joe Biden a toujours coopéré avec la justice, restituant de son plein gré les documents, en nombre bien moindre.

Soucieux de ne pas alimenter les accusations de « persécution politique », le président démocrate, qui briguera aussi un second mandat en 2024, a assuré vendredi ne « pas avoir parlé » du dossier avec son secrétaire de la Justice, Merrick Garland, et n’avoir « pas de commentaire ».

De leur côté, les républicains serrent les rangs autour de Donald Trump, y compris ses rivaux à l’investiture du parti pour la présidentielle, qu’il devance largement.

La même solidarité s’était manifestée en avril, quand la justice de l’État de New York l’avait elle aussi inculpé, pour fraudes comptables cette fois, dans le cadre d’un paiement en 2016 à l’actrice de films X Stormy Daniels pour qu’elle taise une liaison présumée.

Et le procureur Jack Smith, qui a au cours de sa carrière notamment poursuivi des auteurs de crimes de guerre au Kosovo, enquête toujours sur le rôle de Donald Trump dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021.