Un juge fédéral bloque en partie la nouvelle loi de l’État de Floride qui interdit la transition de genre chez les mineurs

L’État de la Floride – qui a banni les soins de transition de genre chez les mineurs – a été semoncé mardi par un tribunal. Un juge fédéral de Floride a publié une décision « cinglante » dans laquelle il affirme que les familles avec des enfants transgenres qui ont poursuivi l’État sont « susceptibles de gagner sur leur revendication que l’interdiction est inconstitutionnelle ».

Le juge Robert L. Hinkle, du tribunal de district de Tallahassee, a statué spécifiquement que trois enfants transgenres pouvaient se voir prescrire des bloqueurs de puberté en dépit de la nouvelle loi de l’État, qui ajoute également de nouveaux obstacles pour les adultes qui cherchent à obtenir des soins similaires.

Alors que les nouvelles restrictions sur les soins de transition promulguées dans tout le pays font l’objet de contestations judiciaires, la décision de M. Hinkle illustre le type d’accueil glacial que les juges pourraient réserver à ces interdictions.

« L’identité de genre est réelle », a écrit le juge Hinkle, ajoutant que le « traitement approprié » peut inclure une thérapie de santé mentale suivie de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux. La Floride a adopté une loi et des règles qui interdisent ces traitements, même lorsqu’ils sont médicalement appropriés.

Injonction

Le juge a imposé une injonction préliminaire en réponse à une demande d’urgence des familles des trois enfants. Elles et d’autres avaient poursuivi l’État de Floride en mars en raison d’une interdiction administrative des soins de transition de genre pour les mineurs, puis avaient élargi leur action pour prendre en compte la nouvelle loi après que le gouverneur Ron DeSantis, un républicain, l’a signée le 17 mai.

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Ron DeSantis, gouverneur de la Floride

Les plaignants avaient demandé au juge de bloquer une partie de la loi qui interdit aux médecins et aux infirmières de prescrire ou d’administrer aux enfants des médicaments liés à la transition de genre, ainsi qu’une autre partie qui expose les prestataires médicaux à une responsabilité pénale et à des mesures disciplinaires professionnelles s’ils le font.

L’injonction accordée par le juge Hinkle ne s’applique pas à d’autres aspects de cette loi d’une portée considérable, qui interdit également la chirurgie de transition de genre pour les mineurs, modifie les lois relatives à la garde des enfants pour assimiler les soins de transition à de la maltraitance, et interdit l’utilisation des fonds de l’État pour payer les soins de transition.

Malgré cela, le juge a dédaigné les arguments avancés par l’État.

Les avocats des familles des plaignants ont interprété la décision de mardi comme pouvant s’étendre à d’autres mineurs transgenres dans tout l’État.

Le ministère de la Santé de Floride a refusé de commenter la décision, invoquant la poursuite du litige.

Rappel

La législation adoptée par la Floride interdit les traitements hormonaux pour les personnes de moins de 18 ans, sauf si elles recevaient déjà de tels soins. L’ordonnance du juge Hinkle a de plus bloqué temporairement ces règles en ce qui concerne les trois plaignants.

La loi prévoit également des sanctions pour les médecins qui la violent, y compris des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Elle va plus loin que les lois similaires adoptées dans d’autres États en ajoutant de nouvelles restrictions pour les adultes recevant des soins de transition, notamment l’obligation de signer des formulaires de consentement et d’obtenir des ordonnances pour des traitements hormonaux en personne plutôt que par l’entremise d’un rendez-vous de télémédecine.

En vertu de la nouvelle loi, seuls les médecins sont autorisés à prescrire des médicaments liés à la transition ; les infirmières praticiennes et les assistantes médicales, qui fournissaient les traitements à de nombreux patients, ne peuvent plus le faire. Ces dispositions n’ont pas été bloquées par l’ordonnance du juge et restent en vigueur.

Au cours de l’année écoulée, plus d’une douzaine d’États ont adopté des interdictions ou d’autres restrictions concernant les soins liés à la transition pour les enfants et les adolescents.

Les partisans de ces interdictions affirment qu’elles protègent les enfants contre des traitements médicaux qu’ils considèrent comme nocifs et non éprouvés. Mais cette position va à l’encontre d’une grande partie de la communauté médicale, qui considère que ces soins sont nécessaires et bénéfiques pour certains enfants souffrant de dysphorie de genre.

Les opposants à la loi de Floride affirment qu’elle se distingue par son caractère « particulièrement mesquin », comme l’a décrit la Campagne des droits de l’homme.

Les avocats des familles ont fait valoir que la loi risquait de causer un préjudice irréparable, car les parents seraient « privés de leur droit fondamental de prendre des décisions médicales pour leurs enfants » et les enfants eux-mêmes « souffriraient d’une cascade de blessures mentales et physiques » du fait du refus de soins.

Impacts

Après l’adoption du projet de loi, l’organisme Planned Parenthood a prévenu les patients qu’il suspendrait les soins de transition de genre dans ses cliniques de Floride jusqu’à la mi-juin afin d’élaborer de nouveaux formulaires de consentement pour les adultes recevant ces soins et de modifier ses pratiques pour se conformer à la nouvelle loi.

D’autres cliniques qui comptaient sur les infirmières praticiennes pour fournir des soins ont cessé de les prescrire pour une durée indéterminée.

Avant de signer la loi, M. DeSantis, qui a depuis annoncé sa candidature à l’élection présidentielle, a critiqué les bloqueurs de puberté et d’autres formes de soins de transition de genre pour les enfants. « C’est une erreur, et nous sommes heureux d’y avoir mis un terme dans l’État de Floride », a-t-il déclaré.

« Il est inacceptable de sexualiser ces enfants, a-t-il ajouté. C’est une erreur d’avoir une idéologie du genre et de dire aux enfants qu’ils sont peut-être nés dans le mauvais corps. »

Cette loi fait partie d’une avalanche de mesures axées sur les personnes LGBTQ que l’assemblée législative de l’État de Floride, contrôlée par les républicains, a adoptées au cours de sa session annuelle.

Les législateurs ont proposé des projets de loi qui obligent les employés des écoles publiques à appeler les élèves par les pronoms correspondant à leur sexe sur leur certificat de naissance, quels que soient les pronoms utilisés par l’enfant ; qui font de l’utilisation de toilettes dans des bâtiments publics ne correspondant pas au sexe de la personne à la naissance un délit ; et qui punissent les entreprises qui admettent des mineurs à des « spectacles vivants pour adultes ».

Maintenant qu’une injonction préliminaire a été imposée, la contestation juridique de la loi par les plaignants va se poursuivre.

On ne sait pas encore comment les interdictions de soins de transition de genre pour les mineurs seront finalement traitées par les tribunaux. Une indication pourrait être imminente : un juge devrait bientôt se prononcer sur une action en justice visant à annuler une loi adoptée en Arkansas en 2021, la première à interdire les traitements médicaux pour les enfants et les adolescents souhaitant changer de sexe.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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