(New York) On peut se demander si Donald Trump avait un jour manifesté autant de bienveillance à l’endroit d’un adversaire.

« Bonne chance au sénateur Tim Scott pour son entrée dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle », a écrit l’ancien président sur son réseau social, lundi dernier. « Il y a de plus en plus de monde et Tim est un grand pas en avant par rapport à Ron DeSanctimonious, qui n’a pas ce qu’il faut pour être élu. »

Bien sûr, si on lit entre les lignes, cette bienveillance cache deux messages moins avenants. Primo : le sénateur de Caroline du Sud, qui a lancé sa campagne présidentielle dans le gymnase de son alma mater, à North Charleston, ne représente pas une menace réelle pour Donald Trump, du moins aux yeux de ce dernier. Deuzio : son entrée dans la course ne peut qu’aider le meneur à vaincre son principal rival, le gouverneur de Floride, en contribuant à diviser le vote anti-Trump chez les républicains.

Mais alors, pourquoi un politicien intelligent comme Tim Scott brigue-t-il l’investiture du Grand Old Party pour l’élection présidentielle de 2024 ?

La question ne vaut pas seulement pour lui. Elle s’applique à tous les candidats républicains en lice qui récoltent moins de 5 % d’appuis dans les sondages nationaux et à tous les autres qui s’ajouteront à la liste au cours des prochaines semaines.

Outre le sénateur Scott, on retrouve, parmi ces deux groupes, Mike Pence, Nikki Haley, Chris Christie, Vivek Ramaswamy, Asa Hutchinson et Larry Elder, entre autres.

L’autre question est de savoir si les rivaux de Donald Trump ont retenu la leçon de la course à l’investiture républicaine de 2016. Nombre des adversaires du futur président avaient alors refusé de se retirer de la course pour laisser toute la place à celui d’entre eux qui avait les meilleures chances de vaincre le promoteur immobilier. Pendant de longs mois, ils ont tous rêvé au moment qui n’est jamais venu où le futur vainqueur allait enfin s’immoler.

En 2023, plusieurs candidats républicains entretiennent un rêve semblable. Mick Mulvaney, ancien membre de l’administration Trump, y a fait allusion lundi dernier en confiant à un journaliste de Politico que ni Ron DeSantis ni Tim Scott ne seraient « inculpés pour un tas de crimes », ce qui représente à ses yeux un avantage évident.

D’autres inculpations à venir

Pour le moment, Donald Trump ne semble pas souffrir de ses ennuis judiciaires. Mais ceux-ci ne devraient pas se limiter aux 34 chefs d’accusation pour falsification de documents d’entreprise auxquels il devra répondre à New York en lien avec le paiement de 130 000 $ à l’actrice porno Stormy Daniels.

En Géorgie, la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, a fixé à la première moitié d’août l’annonce de possibles inculpations en lien avec son enquête sur les efforts de Donald Trump et ses alliés pour renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020. Elle a averti les forces de l’ordre locales de se préparer en conséquence.

De son côté, le procureur spécial Jack Smith mettrait la dernière main à son enquête sur les documents classifiés transférés par Donald Trump de la Maison-Blanche à Mar-a-Lago, son club privé de Floride, après sa présidence. Dans ce dossier, l’ancien président pourrait non seulement être inculpé pour entrave à une enquête criminelle, mais également pour violation de la loi sur l’espionnage. Loi qu’il aurait vraisemblablement enfreinte en conservant des documents classifiés dans son bureau à un endroit où ils étaient visibles et en les montrant à d’autres personnes, selon le Washington Post.

Certes, les candidats qui rêvent de gagner l’investiture républicaine n’osent pas attaquer de front Donald Trump sur ces dossiers, de peur de se mettre à dos les nombreux électeurs républicains qui n’y voient qu’une cabale démocrate.

Mais ils ne peuvent pas faire autrement que de se demander quel sera l’effet de ces affaires sur la candidature de l’ex-président d’ici la tenue des primaires républicaines.

Certains candidats ont un rêve de rechange. À défaut de remporter l’investiture républicaine, ils s’imaginent en candidat ou candidate à la vice-présidence aux côtés de Donald Trump. Tim Scott et Nikki Haley tombent probablement dans cette catégorie.

PHOTO ROBERT F. BUKATY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le candidat républicain Tim Scott

Lors du lancement de sa campagne, l’unique sénateur noir du Parti républicain a prononcé un discours résolument positif et optimiste au cours duquel il a évoqué son histoire inspirante, celle d’un enfant ayant grandi dans la pauvreté et trouvé sa voie grâce à un mentor qui lui a inculqué les bonnes valeurs conservatrices.

Tim Scott s’est gardé de critiquer Donald Trump, un fait qui n’a sans doute pas échappé à l’ancien président.

Nikki Haley, ex-gouverneure de Caroline du Sud et ambassadrice des États-Unis à l’ONU, s’y prend autrement. Elle n’épargne pas complètement Donald Trump, mais Ron DeSantis est sa cible principale.

« Nous méritons un choix, pas un écho », pouvait-on lire dans une pub de la candidate diffusée le matin du lancement de la campagne présidentielle du gouverneur de Floride et traitant ni plus ni moins ce dernier de « mini-Trump ».

Le rêve de Ron DeSantis est évidemment de remplacer Joe Biden à la Maison-Blanche. Pour y parvenir, il devra surmonter le cauchemar du lancement de sa campagne sur Twitter en compagnie de deux milliardaires controversés qui l’ont entraîné dans des discussions parfois oiseuses lors d’un échange audio plombé par des ennuis techniques.

Tous les autres rivaux de Donald Trump devaient se pincer pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas.