De 2018 à 2022, les jeunes ont été arrêtés et inculpés de meurtre à un rythme deux fois plus rapide que les adultes

Lorsque la police de New York a annoncé en janvier les arrestations liées au meurtre d’un jeune de 17 ans à Coney Island, aucune des trois personnes inculpées n’avait l’âge de conduire. Un jeune de 13 ans avait poignardé Nyheem Wright, selon la police. Ses amis, âgés de 14 et 15 ans, ont été accusés de l’avoir aidé.

Selon les procureurs, la bagarre a commencé à la sortie de l’école à propos d’une fille. Les garçons, qui se sont livrés, risquent maintenant des peines maximales allant de neuf ans de prison à la perpétuité derrière les barreaux.

« Les gamins [kids] impliqués sont des mineurs », rappelle April Leong, directrice de l’école secondaire Liberation Diploma Plus, où Nyheem Wright étudiait. « Ce sont des gamins. »

PHOTO ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Nyheem Wright

De 2018 à 2022, les adolescents ont été arrêtés et inculpés de meurtre dans la ville à un rythme deux fois plus rapide que les adultes. Quarante-cinq mineurs âgés de 13 à 17 ans ont été arrêtés et inculpés de meurtre l’année dernière, soit près du double du nombre de 2018, selon la division des services de justice pénale de l’État.

La violence éclate plus rapidement et plus souvent aujourd’hui qu’avant la pandémie, selon les autorités chargées de l’application de la loi et de l’éducation. Les conflits nés en ligne et qui s’envenimaient au fil des menaces échangées derrière des écrans ont commencé à se répandre dans le monde réel. Les enfants explosent de colère lorsqu’ils s’entassent dans le métro, lorsque des mots sont échangés sur le banc d’un parc de Brooklyn et à l’extérieur des écoles à la sortie des classes.

Les jeunes « sont sortis de la quarantaine avec des comptes à régler », explique Patrice O’Shaughnessy, directeur de la communication du Procureur du Bronx, dont le bureau a inculpé 26 adolescents pour meurtre l’année dernière.

La prolifération des armes à feu et les conséquences des perturbations causées par la pandémie dans les écoles – notamment l’augmentation du nombre d’élèves qui manquent l’école et accusent un retard scolaire – se sont ajoutées à une constellation de facteurs qui ont déstabilisé les jeunes. Faute d’être sur place à l’école, les élèves ont été détachés de son influence stabilisatrice, en particulier dans les collectivités pauvres, où la violence armée était déjà plus élevée et où les services sociaux, le logement et l’accès aux commodités sont souvent déficients.

Communautés noires et latino-américaines

Pendant les 18 mois où les écoles de New York ont été fermées en raison de la pandémie, les décès ont été plus nombreux dans les communautés noires et latino-américaines, et les jeunes noirs ont été plus susceptibles de perdre une personne qui s’occupait d’eux. Tous les adolescents accusés de meurtre à New York l’année dernière étaient noirs ou hispaniques, selon les données de l’État.

Selon Joseph Allen, psychologue clinicien et professeur à l’Université de Virginie, la pandémie et les catastrophes qui l’ont accompagnée ont provoqué un « court-circuit » chez les adolescents à un moment de leur vie où ils apprennent à gérer les conflits.

« C’est comme si l’on retirait tout le calcium de l’alimentation d’une personne pendant une poussée de croissance », a déclaré Allen. « La personne peut y survivre, mais il y a un risque réel de fracture des os. Et c’est ce que nous constatons. »

Criminalité et pandémie

La criminalité dans la ville a atteint un niveau record avant la pandémie, mais la violence a commencé à augmenter alors que le coronavirus faisait rage. Une étude récente portant sur quatre grandes villes américaines, dont New York, a révélé que le taux des mineurs victimes de violences par arme à feu avait presque doublé pendant la pandémie. Les mineurs noirs ont été les principales victimes, explique Jonathan Jay, professeur de l’École de santé publique de l’Université de Boston et auteur principal du rapport.

Le taux de victimisation par arme à feu des mineurs noirs dans ces villes a été 100 fois supérieur à celui des mineurs blancs pendant la pandémie, ce qui est beaucoup plus que ce que nous avions observé auparavant ou que ce à quoi nous aurions pu nous attendre.

Jonathan Jay, professeur de l’École de santé publique de l’Université de Boston

La violence entre adolescents à New York s’est manifestée dans toute la ville. En juillet, la police annonçait qu’un garçon de 15 ans avait poignardé et tué Ethan Reyes, 14 ans, après une dispute à Harlem. En décembre, une jeune fille de 17 ans a été accusée d’avoir abattu Prince Shabazz, 14 ans, dans le Bronx.

En janvier, un garçon de 16 ans a été inculpé pour avoir poignardé Justin Shaw, 20 ans, dans le Queens. Trois autres jeunes, âgés de 13 à 17 ans, ont été inculpés d’agression en bande organisée et de possession criminelle d’une arme relativement à ce crime.

Un jeune de 16 ans a été accusé d’avoir tiré sur Unique Smith, 15 ans, alors qu’il était assis dans un parc de Brooklyn avec des amis après l’école, en septembre.

Violence inouïe

À Coney Island, Nyheem Wright aurait fini cette année ses études secondaires dans la petite école fondée par Leong, conçue pour les élèves plus âgés que les élèves du même niveau qu’eux ou qui accusent un retard dans d’autres domaines.

Mme Leong explique qu’elle noue des relations étroites avec les quelque 200 élèves qui fréquentent l’établissement. Les élèves et leurs parents lui ont confié les effets de la pandémie sur leur santé mentale et émotionnelle, ainsi que le fait qu’ils subissaient « un autre type d’agression ».

Au lieu d’exprimer [ce qu’ils ressentent], [les élèves] l’enfouissent à l’intérieur, et ça se transforme. Ça se manifeste sous d’autres formes, que ce soit l’anxiété, la dépression ou des accès subits de colère.

April Leong, directrice de l’école secondaire Liberation Diploma Plus

La mère de Nyheem, Simone Brooks, affirme que la veille du meurtre, son fils lui a dit qu’il s’était battu pour défendre une de ses meilleures amies. Les autres personnes impliquées dans la bagarre étaient des membres de gangs, dit Mme Brooks, qui l’ont ensuite marqué pour se venger.

L’agression de Nyheem Wright s’est déroulée sur deux pâtés de maisons, un vendredi après l’école.

Nyheem Wright se tenait avec son frère jumeau devant un centre commercial lorsque trois garçons l’ont encerclé, ont déclaré les procureurs. Les deux plus âgés lui ont décoché des coups de pied et des coups de poing. Le plus jeune l’a poignardé au torse, selon les procureurs.

Nyheem Wright s’est réfugié dans le Mermaid Optical, à un pâté de maisons de là, et a été transporté au Maimonides Medical Center, à une vingtaine de minutes de là. Il est mort le lendemain.

Mme Leong explique que Nyheem Wright n’est pas le premier élève qu’elle perd en raison de la violence, depuis la création de l’école il y a 16 ans. Elle ajoute que les morts ne cesseront pas tant que les dirigeants de la communauté – éducateurs, travailleurs sociaux, responsables de l’application de la loi et politiciens – ne coopéreront pas pour trouver des solutions tangibles.

Lisez l’article original du New York Times (sur abonnement, en anglais)