Lors d’une visite surprise à Kyiv lundi, Joe Biden a réaffirmé son soutien à l’Ukraine et fait l’annonce d’une aide supplémentaire de 500 millions de dollars

(New York) Au début de sa présidence, Joe Biden a prédit que les historiens de demain écriraient « leurs thèses de doctorat sur la question de savoir qui a réussi : l’autocratie ou la démocratie ».

Depuis, la question n’a cessé d’occuper une place centrale dans sa présidence, lui fournissant la matière à quelques-uns de ses discours les plus importants. En décembre 2021, à quelques semaines de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il avait tenu un sommet virtuel sur la démocratie au cours duquel il s’était engagé à combattre la dérive autoritaire tant aux États-Unis qu’à l’étranger.

« Face à des défis soutenus et alarmants pour la démocratie, les droits de l’homme universels, et partout dans le monde, la démocratie a besoin de champions », avait dit celui qui avait battu un peu plus d’un an auparavant un admirateur de Vladimir Poutine et de Xi Jinping.

Joe Biden était évidemment revenu à la charge lors de son premier discours sur l’état de l’Union, qui intervenait quelques jours seulement après l’invasion russe dont il avait prédit le début quasiment au jour près.

« Dans la bataille entre la démocratie et l’autocratie, les démocraties se montrent à la hauteur, et le monde choisit clairement le côté de la paix et de la sécurité. C’est un véritable test. Cela va prendre du temps », avait-il déclaré.

« Lorsque les dictateurs ne paient pas le prix de leur agression, ils provoquent davantage de chaos. Ils continuent à gagner du terrain. Et les coûts et les menaces pour l’Amérique et le monde continuent d’augmenter », avait-il ajouté.

« La guerre de conquête de Poutine est un échec »

Mais aucun des discours ou des gestes de Joe Biden n’aura eu la portée symbolique de sa visite à Kyiv lundi, à quelques jours seulement du premier anniversaire de la guerre d’agression menée par Vladimir Poutine. Une visite inopinée qui a quasiment la valeur d’une doctrine : pour défendre la démocratie contre l’autocratie, le 46e président des États-Unis est prêt à prendre de très grands risques, y compris ceux qui engagent sa sécurité personnelle.

Ce point a été illustré de façon poignante quand les sirènes de raid aérien ont retenti dans la capitale ukrainienne pendant la visite de Joe Biden. Des médias ont indiqué que ces sirènes avaient été déclenchées par le décollage d’un avion de combat russe Mig en Biélorussie, pays qui partage une frontière avec l’Ukraine au nord. Un missile tiré par un Mig à partir de la Biélorussie peut atteindre une cible à Kyiv en 20 minutes.

Joe Biden était arrivé dans la capitale ukrainienne après un voyage de plusieurs heures à bord d’un train parti de la frontière polonaise. La Maison-Blanche avait alerté les responsables russes quelques heures à l’avance de l’arrivée du président américain dans la capitale ukrainienne.

Mais le risque n’était pas nul pour le chef de la Maison-Blanche, qui a profité de sa présence à Kyiv pour narguer l’homme fort du Kremlin.

« La guerre de conquête de Poutine est un échec », a déclaré Joe Biden aux côtés de Volodymyr Zelensky dans le palais Mariinsky, résidence officielle du président ukrainien.

« Un an plus tard, Kyiv est debout. Et l’Ukraine est debout. La démocratie est debout », a ajouté celui qui prononcera mardi à Varsovie un discours majeur pendant que Vladimir Poutine prendra la parole à Moscou.

En présence de Joe Biden, Volodymyr Zelensky rayonnait.

« Merci beaucoup d’être venu, Monsieur le Président, à un moment important pour l’Ukraine », a-t-il dit.

Aide américaine

Aux yeux de certains alliés des États-Unis, ce moment important, qui fait suite à des pertes humaines et matérielles donnant le vertige, devrait inciter l’Ukraine à entamer des négociations de paix avec la Russie.

Mais la visite de Joe Biden à Kyiv a envoyé un autre message. D’autant plus qu’elle a été accompagnée par l’annonce d’une aide supplémentaire américaine de 500 millions de dollars à l’Ukraine. Dans un communiqué, Joe Biden a notamment évoqué la livraison de munitions d’artillerie, de systèmes antichars et de radars de surveillance aérienne.

Cela dit, cette aide ne comprend pas les armes à longue portée que réclame l’Ukraine et dont Volodymyr Zelensky a dit avoir parlé avec son visiteur américain.

De toute évidence, il y a des risques que Joe Biden n’est pas encore prêt à prendre pour aider l’Ukraine à se défendre contre la Russie.

Le danger d’une escalade militaire ne concerne d’ailleurs plus seulement le pays de Vladimir Poutine. Ces derniers jours, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a exprimé la crainte que la Chine envisage de fournir des armes à la Russie, ce que Pékin a nié.

La Chine, bien sûr, est l’autre autocratie qui préoccupe le plus Joe Biden, et peut-être encore davantage que la Russie. Aucun doute possible : les historiens de demain jugeront sa présidence sur l’issue de ces combats menés contre ces pays au nom de la démocratie.

Pour le moment, cette issue est incertaine, contrairement à la détermination de Joe Biden. Comme l’a écrit le Washington Post, ce dernier a effectué « l’un des voyages présidentiels les plus remarquables de l’histoire moderne », en se rendant dans la capitale d’un pays en guerre où les États-Unis n’ont pas une présence militaire massive, comme c’était le cas en Afghanistan ou en Irak. 

Cela suffira-t-il à rallier des Américains de plus en plus sceptiques face à l’engagement de leur pays envers l’Ukraine ?

Le message de Joe Biden à Volodymyr Zelensky s’adressait également à eux : « Cela va bien au-delà de l’Ukraine. Il s’agit de la liberté de la démocratie en Europe et de la liberté de la démocratie en général. »