(New York) À moins d’une surprise, Joe Biden confirmera son intention de solliciter un second mandat à la Maison-Blanche en mars ou en avril. Mais, d’une certaine façon, sa campagne de réélection débutera mardi soir au Capitole des États-Unis.

Le 46e président y prononcera alors son discours sur l’état de l’Union, rituel de la vie politique américaine qui doit normalement lui permettre de présenter son programme pour l’année en cours aux élus du Congrès et à des dizaines de millions de téléspectateurs.

Il n’y manquera pas, certes. Mais l’échéance électorale de 2024 dominera ses pensées, selon des experts de la politique américaine.

« Ce discours aura beaucoup à voir avec la prochaine campagne présidentielle », dit Ross Baker, politologue à l’Université Rutgers, au New Jersey. « Je pense que le président va pouvoir citer une série de réalisations, notamment en matière d’économie, qui constitueront l’épine dorsale de sa plateforme de 2024. »

Figurent parmi ces réalisations, des plans historiques pour surmonter la pandémie de COVID-19, moderniser les infrastructures du pays, accélérer la transition énergétique et rivaliser avec la Chine dans le secteur des micropuces.

Réalisations qui s’ajoutent à des chiffres d’emploi dont Joe Biden ne manquera pas de se vanter : en janvier, par exemple, l’économie américaine a déjoué toutes les prédictions en créant 517 000 emplois, performance qui a contribué à la chute du taux de chômage à 3,4 %, du jamais-vu depuis 1969.

« Il fera valoir que les politiques économiques qu’il a épousées lui donnent droit à un second mandat », affirme Ross Baker.

Mais les démocrates sont très loin d’être unanimes sur ce sujet. Pas moins de 58 % d’entre eux disent préférer qu’un autre candidat que Joe Biden se présente sous la bannière de leur parti en 2024, selon un sondage Washington Post/ABC News publié le week-end dernier.

« Il paraît son âge »

Ce résultat a probablement moins à voir avec la performance du démocrate à la Maison-Blanche qu’avec son âge. Cette réalité explique pourquoi le discours sur l’état de l’Union sera aussi le discours sur l’état de Joe Biden, premier président octogénaire à occuper la présidence américaine.

« Pour plusieurs personnes à l’intérieur et à l’extérieur du pays, le discours sur l’état de l’Union servira à mesurer la capacité de Joe Biden, la capacité d’un démocrate, de gagner en 2024 », dit Karen Hult, politologue à l’Université Virginia Tech.

Aux États-Unis, les gens observeront également le niveau d’énergie du président et sa capacité de bien articuler ses idées.

Karen Hult, politologue à l’Université Virginia Tech

Les conseillers de Joe Biden suivront sans doute son discours sur le bout de leur chaise, en se rongeant les ongles ou en faisant les cent pas.

« C’est un gros défi », commente Ross Baker en parlant du grand exposé oral de Joe Biden. « Il peut avoir de grandes réalisations. Il peut gérer les situations avec habileté. Mais il ressemble à un homme de 80 ans. Et le visuel n’est pas bon. Il a une démarche raide. Les photos ne le flattent pas. Il paraît son âge. »

Président bipartisan

Malgré sa vaste et longue expérience, Joe Biden affrontera une nouvelle réalité. Pour la première fois, il prononcera un discours sur l’état de l’Union devant un Congrès dont l’une des deux chambres est passée sous le contrôle du parti adverse.

Cette chambre, menée par Kevin McCarthy et dominée par des élus trumpistes, a promis de lui rendre la vie difficile, en enquêtant notamment sur tous les aspects de son administration. Une de ses commissions devrait même tenir mercredi une première audition sur l’ordinateur de Hunter Biden, fils du président.

PHOTO KEVIN LAMARQUE, ARCHIVES REUTERS

Kevin McCarthy

Les représentants de la Chambre des représentants sont également engagés dans un bras de fer avec la Maison-Blanche sur le plafond de la dette, qui doit être relevé d’ici juin ou juillet pour éviter un défaut de paiement catastrophique.

Mais Joe Biden ne devrait pas attaquer les républicains de front sur ces questions.

Le président serait bien avisé d’adopter un ton plus bipartisan, accueillant et coopératif.

Karen Hult, politologue à l’Université Virginia Tech

« Il pourrait féliciter M. McCarthy pour son élection au poste de président de la Chambre, souligner qu’une chambre du Congrès américain est contrôlée par le parti opposé et réitérer sa volonté de travailler au-delà des lignes de parti pour parvenir à un résultat souhaité par la population américaine. Je n’aime pas ce cliché, mais il pourrait se présenter comme le seul adulte dans la pièce. »

Les incontournables

Joe Biden fera probablement l’impasse sur la découverte de documents classifiés dans ses affaires. Mais il ne pourra pas passer sous silence une autre découverte, celle du ballon-espion chinois, qui a survolé le territoire américain pendant plusieurs jours avant d’être abattu samedi dernier au large de la Caroline du Sud.

« Le président doit aborder ce sujet, expliquer pourquoi il a fait ce qu’il a fait, et rappeler, bien sûr, que des ballons de surveillance ont flotté au-dessus des États-Unis durant l’administration Trump, dit Ross Baker. Au moins, il en a abattu un. »

Autre sujet international incontournable : l’Ukraine.

Sur le plan intérieur, Joe Biden devrait renouveler ses appels au Congrès en faveur de l’interdiction des fusils d’assaut dans la foulée des tueries de masse récentes en Californie, ainsi que de l’adoption d’une réforme de la police après le mort de Tyre Nichols aux mains de cinq policiers de Memphis.

RowVaughn Wells, mère de M. Nichols, sera parmi les invités de la première dame, Jill Biden.