(New York) Le premier président octogénaire à occuper la Maison-Blanche a contribué à dépoussiérer le traditionnel discours sur l’état de l’Union mardi soir, adoptant un ton combatif pour répliquer aux élus républicains les moins courtois qui composaient une partie de son auditoire dans l’enceinte comble du Capitole des États-Unis.

À quelques semaines du lancement attendu de sa campagne de réélection, le 46président a profité de cette allocution suivie en direct à la télévision par des dizaines de millions d’Américains pour tenter de convaincre un électorat sceptique ou inquiet quant à l’efficacité de ses politiques économiques.

« Regardons les résultats », a-t-il dit après s’être félicité de la création de 12 millions d’emplois au cours des deux premières années de son mandat. « Un taux de chômage de 3,4 %, le plus bas depuis 50 ans. Un taux de chômage presque record pour les travailleurs noirs et hispaniques.

« Nous avons déjà créé 800 000 emplois bien rémunérés dans l’industrie, la croissance la plus rapide depuis 40 ans », a-t-il ajouté.

Mais c’est en abordant la question à la fois cruciale et aride du plafond de la dette que Joe Biden s’est vraiment animé. Il a accusé certains républicains de vouloir faire dépendre le relèvement du plafond de la dette de coupes dans les deux programmes les plus populaires du gouvernement américain, Social Security (retraites) et Medicare (assurance maladie pour les personnes âgées et handicapées).

Si le Congrès ne relève pas le plafond de la dette d’ici juin ou juillet, les États-Unis risquent un défaut de paiement catastrophique pour l’économie américaine.

Certains de mes amis républicains veulent prendre l’économie en otage à moins que j’accepte leurs plans économiques. Vous tous, à la maison, devriez savoir quels sont leurs plans.

Joe Biden, président des États-Unis

« Au lieu de faire payer aux riches leur juste part, certains républicains veulent que Medicare et Social Security soient supprimés tous les cinq ans », a-t-il ajouté, suscitant des cris désapprobateurs et des huées chez les républicains.

Sourire en coin, le président leur a répondu : « Quiconque doute de cela, contactez mon bureau, je vais vous donner une copie de leurs propositions. »

De son siège, la représentante républicaine de Géorgie Marjorie Taylor Greene s’est écriée : « Menteur ! »

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Marjorie Taylor Greene, représentante républicaine de Géorgie

Elle n’a pas été la seule à lancer ce mot qui aurait fait scandale dans les mêmes circonstances à une autre époque. Après avoir crié « Tu mens ! » à Barack Obama lors d’un discours devant le Congrès réuni en septembre 2009, le représentant républicain de Caroline du Sud Joe Wilson avait d’ailleurs présenté ses excuses.

Mais Joe Biden n’a pas semblé se formaliser de cette atmosphère houleuse qui ressemblait davantage à la période des questions à la Chambre des communes du Royaume-Uni ou du Canada.

Chose certaine, la Maison-Blanche, elle, n’a pas manqué de faire savoir qu’elle se réjouissait de ce moment où les républicains ont renié à une heure de grande écoute à la télévision une position qu’ils ont longtemps défendue, et ce, avant même que ne commencent les négociations véritables sur le plafond de la dette.

Bien sûr, l’épisode semblait contredire ce que Joe Biden avait déclaré plus tôt dans son discours, à savoir que démocrates et républicains sont capables de travailler ensemble.

« Ils se sont unis pour adopter une loi sur les infrastructures qui n’arrive qu’une fois par génération, construisant des ponts pour rapprocher notre nation et nos concitoyens », a-t-il dit.

« En fait, j’ai signé plus de 300 lois bipartites depuis que je suis président », a-t-il ajouté, évoquant notamment un plan pour relancer le secteur des micropuces.

Emplois et impôts

Au début de son discours, Joe Biden avait également salué l’élection de Kevin McCarthy au poste de président de la Chambre des représentants.

« Je ne veux pas ruiner votre réputation, mais j’ai hâte de travailler avec vous », avait-il blagué.

Insistant sur sa volonté de créer des emplois pour les cols bleus, Joe Biden a par ailleurs défendu ses politiques protectionnistes.

« Ce soir, j’annonce également de nouvelles normes pour exiger que tous les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructure fédéraux soient fabriqués en Amérique. Du bois, du verre, des cloisons sèches, des câbles de fibre optique fabriqués en Amérique. »

Le président a également appelé le Congrès à adopter sa proposition en faveur d’un impôt minimum pour les milliardaires.

Parce qu’aucun milliardaire ne devrait payer un taux d’imposition inférieur à celui d’un enseignant ou d’un pompier.

Joe Biden, président des États-Unis

Le président a renouvelé ses appels en faveur de l’interdiction des fusils d’assaut et de l’adoption d’une réforme de la police. Il a évoqué ces deux sujets en signalant la présence parmi les spectateurs de RowVaughn Wells, mère de Tyre Nichols, cet homme noir battu à mort par cinq policiers de Memphis, ainsi que de Brandon Tsay, ce héros qui a désarmé le tireur de Monterey Park, en Californie.

Joe Biden a en outre promis de mettre son veto à toute loi interdisant l’avortement à l’échelle nationale et appelé le Congrès à adopter une réforme de l’immigration pour régler les problèmes à la frontière sud, y compris le trafic de fentanyl.

Les questions internationales, et plus précisément l’Ukraine et la Chine, ont occupé la partie congrue de ce discours sur l’état de l’Union.

« Ensemble, nous avons fait ce que l’Amérique fait toujours quand elle donne sa pleine mesure. Nous avons dirigé. Nous avons uni l’OTAN et construit une coalition mondiale. Nous nous sommes opposés à l’agression de Poutine. Nous avons soutenu le peuple ukrainien », a-t-il dit.

La Chine

Le président s’est par ailleurs dit prêt « à travailler avec la Chine lorsque cela peut servir les intérêts américains et profiter au monde entier ».

« Mais ne vous y trompez pas : comme nous l’avons clairement indiqué la semaine dernière, si la Chine menace notre souveraineté, nous agirons pour protéger notre pays. Et nous l’avons fait », a-t-il dit.

La nouvelle gouverneure de l’Arkansas, Sarah Huckabee Sanders, a offert la réplique républicaine au discours de Joe Biden. Elle a profité de l’occasion pour dénoncer les « fantasmes wokes » des démocrates.

« La plupart des Américains veulent simplement vivre leur vie dans la liberté et la paix, mais nous sommes attaqués par une guerre culturelle de gauche que nous n’avons pas commencée et que nous n’avons jamais voulu combattre », a-t-elle dit.