(Washington) Agés et d’origine asiatique, les auteurs des récentes fusillades en Californie n’ont pas le profil typique pour ce type de crime aux États-Unis, même si leurs mobiles semblent prendre source, comme tant d’autres tueries, dans des rancunes personnelles.

Samedi soir, Huu Can Tran, 72 ans, a abattu onze personnes dans un dancing de Monterey Park, en banlieue de Los Angeles. Lundi, Chunli Zhao, 66 ans, a ouvert le feu dans deux exploitations agricoles de Half Moon Bay, près de San Francisco, faisant sept morts.

De tels carnages ne sont pas rares aux États-Unis, où 40 fusillades dites « de masse », c’est-à-dire ayant fait au moins quatre morts ou blessés en dehors du tireur, ont été recensées depuis le 1er janvier par le site Gun Violence Archives.

Mais le profil sociologique des attaquants a surpris : sur les 180 personnes ayant mené une attaque dans un lieu public entre 2016 et 2020, cinq seulement avaient plus de 65 ans et sept étaient d’origine asiatique, selon un rapport publié mercredi par les autorités fédérales.

D’après ce rapport du Secret service, agence chargée de la protection des personnalités, 57 % des assaillants étaient blancs et 60 % avaient moins de 34 ans.

Ces données sont cohérentes avec la composition de la population américaine, qui compte moins de 6 % de personnes d’origine asiatiques, et une surreprésentation des jeunes parmi les auteurs de crimes.

Mais les esprits restent marqués par une série de bains de sang commis par de très jeunes hommes blancs : les auteurs de fusillades dans une école du Texas (21 morts) et un supermarché de l’État de New York (10 morts) avaient 18 ans ; celui qui a tiré dans un défilé du 4-Juillet dans l’Illinois (sept morts) 21 ans.

« Ressentiment »

Âge et origine à part, les tueurs de Californie ne sont toutefois pas si atypiques.

Dans plus de la moitié des cas, « il y avait une relation directe entre l’assaillant et sa cible », a relevé lors d’une conférence de presse Lina Alathari, qui dirige le centre d’évaluation des menaces du Secret service.  

En Californie, les enquêtes n’en sont qu’à leurs balbutiements, mais le premier tueur semble avoir visé un dancing où il avait ses habitudes, et le second son lieu de travail.

Par ailleurs, en général, « le mobile principal des attaques était de loin le ressentiment : les assaillants se vengeaient de ce qu’ils percevaient comme des mauvais traitements, liés à des questions personnelles ou professionnelles », a ajouté Mme Alathari.

Le septuagénaire Huu Can Tran, qui s’est suicidé après avoir commis son crime, semble entrer dans ce cadre : en janvier, il s’était rendu deux fois au commissariat pour accuser des proches d’avoir tenté de l’empoisonner et de le voler, une dizaine d’années plus tôt.  

Un ancien ami a assuré sur CNN qu’il était « hostile » envers les habitués du dancing, où il avait l’impression d’être mal perçu.

Quant au sexagénaire Chunli Zhao, qui a été arrêté, il semble avoir choisi ses victimes. Pour des raisons encore inconnues, il a « pourchassé et poursuivi » certaines personnes et pas d’autres, selon la police.

PHOTO AARON KEHOE, ASSOCIATED PRESS

Lundi, Chunli Zhao, 67 ans, a ouvert le feu dans deux exploitations agricoles de Half Moon Bay, près de San Francisco, faisant sept morts.

« Signaux d’alerte »

D’après le rapport du Secret service, trois quarts des personnes ayant mené des attaques dans des lieux publics ont eu des comportements ou des propos perçus comme inquiétants par leur entourage.

Si Huu Can Tran ne s’était pas fait remarquer, le tueur de Half Moon Bay avait été accusé de vouloir trancher la gorge d’un ancien collègue, et d’avoir tenté d’étouffer un autre homme, il y a une dizaine d’années, selon des documents judiciaires cités par le journal Chronicle.

Pour Mme Alathari, avant le passage à l’acte, « il y a souvent des signaux d’alerte qui devraient être pris en compte ».  

En terme de prévention, plutôt que se concentrer sur un type de population, il faudrait selon elle encourager la population à effectuer davantage de signalements.

Quant à la police, elle doit « poser les bonnes questions pour voir s’il y a un risque d’escalade, en discutant avec […] les proches, mais aussi les voisins, les propriétaires, etc », recommande-t-elle. « Tout le monde a un rôle à jouer, ça doit être un effort de tous. »