(New York) Les électeurs de Géorgie ont infligé un ultime revers à Donald Trump, mardi, en rejetant à leur tour un de ses candidats vedettes en lice aux élections de mi-mandat.

Choisi par l’ancien président en raison de sa renommée en tant que légende du football universitaire en Géorgie, Herschel Walker s’est incliné devant le sénateur démocrate Raphael Warnock lors du second tour de l’élection sénatoriale de l’État.

Après le dépouillement de 99 % des voix, Warnock avait remporté 51,2 % des suffrages contre 48,8 % pour son rival républicain. Ce second tour, une particularité du Peach State, avait été rendu nécessaire par le fait qu’aucun candidat n’avait remporté une majorité absolue lors du scrutin du 8 novembre dernier.

La réélection du sénateur Warnock, qui avait été élu au Sénat en janvier 2021 lors d’une élection spéciale, portera à 51 le nombre de sièges contrôlés par les démocrates à la chambre haute du Congrès contre 49 pour les républicains.

« Après une campagne, ou plutôt des campagnes, âprement disputées, j’ai l’honneur de prononcer les quatre mots les plus puissants jamais prononcés dans une démocratie : le peuple a parlé », a déclaré Warnock, qui est également pasteur de l’Ebenezer Baptist Church, la même église d’Atlanta où Martin Luther King Jr a prêché de son vivant.

Je dis souvent qu’un vote est une sorte de prière pour le monde que nous désirons pour nous-mêmes et pour nos enfants. Voter, c’est la foi mise en action. Et Géorgie, tu as prié avec tes lèvres et tes jambes, avec tes mains et tes pieds, avec ta tête et ton cœur. Tu as travaillé dur et nous sommes maintenant unis.

Raphael Warnock

Quelques minutes plus tôt, Walker a concédé la victoire lors d’un bref discours devant ses partisans.

« Il n’y a pas d’excuses dans la vie. Et je ne vais pas me trouver d’excuses parce qu’on s’est bien battus », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que sa campagne sénatoriale était « la meilleure chose que j’aie faite de ma vie ».

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Partisans de Raphael Warnock rassemblés à Atlanta, mardi

La Géorgie a ainsi emboîté le pas à trois autres États clés où des candidats appuyés par Donald Trump n’avaient pas réussi à profiter de la tradition, qui désavantage le parti au pouvoir à la Maison-Blanche lors des élections de mi-mandat, de la mauvaise conjoncture économique ou même de l’impopularité de Joe Biden pour défaire leurs rivaux démocrates lors d’élections sénatoriales.

Non seulement les républicains n’avaient pas réussi à battre des sénateurs démocrates vulnérables en Arizona et au Nevada, mais encore ils avaient échoué à défendre un siège leur appartenant en Pennsylvanie.

« Les courses sénatoriales sont différentes. La qualité des candidats a beaucoup à voir avec le résultat », avait déclaré en août dernier le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, critiquant en termes voilés Donald Trump et son influence dans les primaires républicaines. Il faisait notamment référence aux candidatures du Dr Mehmet Oz en Pennsylvanie et de l’investisseur de capital-risque Blake Masters en Arizona, deux autres néophytes politiques.

Candidat erratique

Mais Herschel Walker était un cas à part. À la veille du second tour, le lieutenant-gouverneur républicain de Géorgie, Geoff Duncan, a déclaré sur CNN qu’il était « l’un des pires candidats républicains de l’histoire de notre parti ».

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Herschel Walker

Durant sa campagne, les médias ont découvert que Walker avait multiplié les mensonges ou les exagérations concernant son éducation, ses affaires, ses dons caritatifs et son travail dans les forces de l’ordre, dont le FBI. Il a admis avoir eu dans le passé des comportements violents et erratiques, liés à une maladie mentale, et n’a pas contesté l’accusation d’agression portée par son ex-femme. Deux femmes ont affirmé qu’il les avait incitées à avorter, bien qu’il se soit présenté comme un candidat farouchement opposé à l’avortement.

Et il a prononcé de nombreux discours décousus dont son rival a tiré des extraits pour ses publicités. Dans l’un de ces discours, inspiré par un visionnement du film d’horreur Fright Night, Herschel Walker avait déclaré à ses partisans qu’il voulait « être un loup-garou » après avoir découvert que cet être malfaisant « peut tuer un vampire ».

Barack Obama a été un des Américains que cette question de savoir s’il vaut mieux être un vampire ou un loup-garou a confondu. « C’est un débat que j’avoue avoir eu moi-même une fois… quand j’avais 7 ans », a-t-il déclaré jeudi lors d’un rassemblement à Atlanta.

Majorité rassurante pour les démocrates

Raphael Warnock a mené une campagne plus traditionnelle, tentant à la fois de mobiliser l’important électorat noir de la Géorgie et les républicains modérés que l’idée de voter pour Herschel Walker répugnait. Pour gagner les votes de ces derniers, il s’est notamment félicité de l’adoption d’un amendement coparrainé avec le sénateur républicain du Texas Ted Cruz au projet de loi d’infrastructure adopté l’an dernier.

Même si les démocrates étaient déjà assurés d’être majoritaires au Sénat, le 51e siège que leur procure la victoire de Raphael Warnock leur facilitera considérablement la vie. Ils n’auront plus besoin de faire appel aussi souvent au vote de la vice-présidente Kamala Harris, en tant que présidente du Sénat, pour rompre les égalités.

Et ils exerceront un plus grand contrôle sur les commissions du Sénat, ce qui leur permettra notamment de procéder plus rapidement à la confirmation des juges fédéraux et d’envoyer des citations à comparaître dans le cadre d’enquêtes éventuelles.