(La Nouvelle-Orléans) Un bain de foule dans le mythique « French Quarter » pour conclure sa visite d’État aux États-Unis : Emmanuel Macron s’est rendu vendredi à La Nouvelle-Orléans, ville emblématique des liens historiques franco-américains, pour célébrer la francophonie et… rencontrer Elon Musk.

Au lendemain d’une réception fastueuse à la Maison-Blanche qui a scellé « l’amitié » du président français avec son homologue américain Joe Biden, le président français s’est offert avec sa femme Brigitte une déambulation dans les petites rues très animées du centre-ville.

Emmanuel Macron, en bras de chemise, a été accueilli avec des « Bienvenue Monsieur », en français dans le texte. La première dame et lui ont posé avec de jeunes enfants dans les bras que leur confiaient des parents pour une photo.

Un moment qui tranche avec les deux premiers jours très officiels de sa visite, entre rencontre sur le nucléaire et l’espace, discours à l’ambassade et prises de parole devant les parlementaires américains.

Après cette promenade sous une météo bien plus clémente que le soleil d’hiver de Washington, Emmanuel Macron a annoncé depuis le musée d’art de La Nouvelle-Orléans un nouveau plan, « French For All », pour favoriser l’enseignement du français aux États-Unis.

Berceau du jazz

Il s’était auparavant entretenu avec le gouverneur de Louisiane, John Bel Edwards, pour évoquer notamment la question du changement climatique et, selon l’Élysée, « le renforcement des relations dans le domaine énergétique » — la Louisiane étant un important exportateur de gaz naturel liquéfié.

PHOTO REUTERS

Le président américain Joe Biden a reçu son homologue français Emmanuel Macron à la Maison-Blanche, le 1er décembre.

Accompagné du réalisateur de cinéma Claude Lelouch et du danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, Emmanuel Macron devait rencontrer aussi des acteurs de la vie culturelle dans cette ville berceau du jazz, au lendemain d’un dîner de gala à la Maison-Blanche animé par le pianiste virtuose Jon Batiste, issu d’une famille de musiciens de La Nouvelle-Orléans.

Jeudi, lors d’une visite débordante d’affection diplomatique, Emmanuel Macron et Joe Biden ont affiché leur unité sur l’Ukraine, manifestant leur volonté de chercher ensemble une issue à la guerre, et ont arrondi les angles sur les différends économiques qui avaient dominé la préparation de leur tête-à-tête dans le bureau Ovale.

« Avant que je ne mette les pieds dans le plat », la question de l’impact du plan climat américain (IRA) sur les industries européennes n’était « pas un débat », ni en France, ni aux États-Unis, a-t-il dit lors de son bain de foule vendredi. « Maintenant, tout le monde en parle, c’est une bonne chose. »

Parlant de la question des « exemptions » réclamées aux États-Unis pour les industries européennes, il a déclaré : « d’ici au début de l’année prochaine », au premier trimestre 2023, « il faut qu’on ait pu régler ce sujet », « il faut qu’on ait finalisé ces sujets ».

Après un dîner loin des caméras avec une dizaine de représentants de la vie culturelle de La Nouvelle-Orléans, le président devait s’envoler pour Paris.

Rencontre surprise

Emmanuel Macron et Elon Musk se sont entretenus durant une heure à La Nouvelle-Orléans. L’entretien n’avait pas été précédemment annoncé par l’Élysée, et s’est tenu à l’écart des médias.

PHOTO PATRICK PLEUL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Elon Musk

Les deux hommes se sont félicités vendredi d’avoir échangé sur la modération des contenus sur Twitter, alors que l’entrepreneur a jusqu’à présent pris des décisions largement contraires aux exhortations du président français et d’autres leaders européens.

« J’en parle ici, sur Twitter, car c’est de cela qu’il s’agit. Cet après-midi, j’ai rencontré Elon Musk et nous avons eu une discussion claire et sincère », a écrit Emmanuel Macron.

« Conditions d’utilisation transparentes, renforcement significatif de la modération des contenus et protection de la liberté d’expression : Twitter doit faire l’effort de se conformer à la réglementation européenne », a ajouté le chef d’État dans une série de tweets.

Il a également dit avoir évoqué avec le cofondateur de Tesla de « futurs projets industriels verts, comme la production de véhicules électriques et de batteries ».

« C’était un honneur de vous voir à nouveau », a répondu Elon Musk, se disant « impatient » au sujet de « projets enthousiasmants en France ».

L’homme le plus riche au monde a racheté fin octobre l’influente plateforme pour 44 milliards de dollars.

Sa vision absolutiste de la liberté d’expression inquiète de nombreux utilisateurs, autorités et annonceurs, qui craignent un déferlement de haine et de désinformation.

« Elon Musk a confirmé la participation de Twitter à l’Appel de Christchurch. Les contenus terroristes et violents n’ont leur place nulle part », a détaillé le président français, faisant référence à une initiative lancée par plusieurs États et ONG en 2019, après la tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, dont les images étaient restées accessibles en ligne pendant plusieurs heures.

« Gros problème »

L’homme d’affaires n’a pas réagi sur ce point.

Il avait initialement promis un conseil de modération des contenus responsable de toutes les décisions majeures, mais il a finalement lui-même décidé de rétablir de nombreux comptes, à commencer par celui de l’ex-président américain Donald Trump, banni après l’assaut du Capitole en janvier 2021.

Il a aussi mis fin à la lutte contre les fausses informations liées à la COVID-19, ce qui est un « gros problème », selon Emmanuel Macron.

« Je pense que nous devons prendre le sujet à bras le corps, je suis en faveur de l’exact opposé, plus de régulation. Nous le faisons (en France, NDLR) et nous le faisons au niveau européen », a-t-il déclaré jeudi lors d’une entrevue accordée à la chaîne ABC.

La liberté d’expression « implique des responsabilités et des limites. Vous ne pouvez pas sortir et tenir des propos racistes ou antisémites, c’est un point qu’il m’importe de défendre », a-t-il ajouté.

Déjà mercredi, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, avait dit à Elon Musk qu’il restait « encore un énorme travail à accomplir ». Twitter devra « renforcer considérablement la modération des contenus […] et s’attaquer avec détermination à la désinformation », avait-il ajouté, selon un compte-rendu de leur échange téléphonique.

Modération modérée

Le nouveau propriétaire de Twitter a licencié plus de la moitié des employés du groupe californien, et les équipes de modération des contenus n’ont pas été épargnées.

Selon plusieurs ONG, dont le Center for Countering Digital Hate, les messages à caractère raciste, homophobe, misogyne et antisémite ont augmenté de façon « choquante » sur la plateforme depuis un mois.

« Complètement faux », a tweeté Elon Musk en réponse à un article du New York Times détaillant les conclusions des associations.

Il a affirmé que le nombre de fois où des tweets contenant des discours de haine sont vus par des utilisateurs « continue à décliner ».

L’entrepreneur libertarien a récemment clarifié ses limites personnelles à la liberté d’expression.

Le compte du rappeur américain Kanye West a ainsi été suspendu pour « incitation à la violence », après notamment la publication de propos admiratifs pour Hitler.

Et Elon Musk est opposé au retour d’Alex Jones, le complotiste américain d’extrême droite condamné pour avoir affirmé qu’un massacre dans une école n’était qu’une mise en scène pilotée par des opposants aux armes à feu.

Ayant vécu la mort de son premier enfant, le multimilliardaire a expliqué être « sans merci vis-à-vis de quiconque utiliserait les décès d’enfants pour (engranger des) gains financiers, politiques ou de renommée ».

Emmanuel Macron a d’ailleurs conclu sa série de tweets en déclarant : « Nous allons travailler avec Twitter pour améliorer la protection des enfants en ligne. Elon Musk me l’a confirmé aujourd’hui. Protégeons mieux nos enfants en ligne ! »