(Washington) Les juges de la Cour suprême ont semblé mardi vouloir rendre une décision à la portée limitée dans un dossier portant sur la politique du gouvernement de Joe Biden en matière d’expulsion de sans-papiers.

Les neuf magistrats, dont six conservateurs, ont examiné pendant deux heures un contentieux entre l’administration démocrate et l’État du Texas, dirigé par des républicains.

Au-delà de la question migratoire, plusieurs ont paru vouloir éviter de rendre un arrêt qui ouvrirait la porte à des poursuites infinies contre n’importe quelle décision de l’État fédéral.

L’affaire a débuté en septembre 2021 quand le ministre de la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, a demandé à la police de l’immigration (ICE) de concentrer ses efforts sur les étrangers représentant une menace terroriste ou criminelle, et sur ceux arrivés après le 1er novembre 2020.  

Plus de onze millions d’immigrés en situation irrégulière vivent aux États-Unis et « nous n’avons pas les ressources pour arrêter et procéder à l’expulsion de chacun » d’entre eux, avait-il justifié, prenant le contre-pied de l’ancien président républicain Donald Trump.

Ces nouvelles consignes avaient immédiatement été contestées en justice par des États conservateurs. Ils avaient plaidé qu’elles allaient leur causer des frais supplémentaires en matière d’éducation, de police et de services sociaux.  

Un juge leur avait donné raison en juin et bloqué la mise en œuvre de cette nouvelle politique. Le gouvernement de Joe Biden s’était alors tourné vers la Cour suprême.

Lors de l’audience mardi, plusieurs magistrats conservateurs ont semblé penser que les consignes du gouvernement démocrate violaient bien une loi fédérale sur la détention des sans-papiers ayant fait l’objet de condamnations pénales.  

Pour autant, ils ont pris acte des limites d’un potentiel arrêt en faveur du Texas.  

Le chef de la Cour John Roberts a ainsi souligné « l’impossibilité » d’expulser tous les étrangers entrant dans cette catégorie. On n’a pas « 60 à 80 000 lits vides » dans les centres de rétention, a-t-il relevé.  

« Si vous gagnez et que le gouvernement dit ne pas avoir l’argent pour en faire plus, qu’est-ce qui se passera ? », a ajouté son collègue conservateur Brett Kavanaugh.

« Spéculer »

Les trois magistrates progressistes ont pour leur part reproché au Texas de ne pas avoir apporté la preuve du dommage subi.

« Vous devez prouver l’effet net de la politique et vous ne l’avez pas fait », a déclaré Sonia Sotomayor, en situant le dossier dans son contexte.

Les arrivées clandestines à la frontière Sud battent actuellement des records historiques, avec plus de 227 000 arrestations rien que pour le mois de septembre. « Si rien n’est fait, les États frontaliers seront inondés », a noté la magistrate.  

Pour elle, allouer en priorité les ressources à la lutte contre ces arrivées, plutôt qu’à l’expulsion des immigrés installés de longue date au Texas, pourrait donc apporter un bénéfice à l’État.

« Ça ne suffit pas de venir ici et de spéculer sur vos coûts », a également lancé la juge Elena Kagan. Sinon, « chaque État pourra saisir la justice à la moindre occasion et arrêter les politiques fédérales qui lui déplaisent », a-t-elle mis en garde.

Le juge Kavanaugh a également semblé soucieux de ne pas s’engager dans cette voie.

Il a évoqué le pouvoir du président de déclarer la guerre, garanti par la Constitution des États-Unis. « Cela a certainement un coût pour un État d’envoyer ses citoyens faire la guerre, alors pourquoi ne pourrait-il pas porter plainte au nom de votre théorie ? », a-t-il demandé à l’avocat du Texas.

La Cour suprême doit rendre sa décision avant le 30 juin.