(COLORADO SPRINGS, Colorado) Richard M. Fierro était attablé au Club Q avec sa femme, sa fille et des amis samedi, en train de regarder un spectacle de drag, lorsque l’éclair inattendu d’un coup de feu s’est déclenché dans la boîte de nuit. Son instinct, fruit de quatre déploiements en tant qu’officier de l’armée en Irak et en Afghanistan, s’est immédiatement manifesté. Il s’est dit : « Défends-toi. »

Lors d’une entrevue à son domicile, où sa femme et sa fille se remettaient toujours de leurs blessures, M. Fierro, 45 ans – qui a quitté l’armée en 2013 en tant que major, selon les dossiers militaires –, a décrit avoir foncé dans le chaos de la boîte de nuit, s’être attaqué au tireur et l’avoir battu avec sa propre arme.

« Je ne sais pas exactement ce que j’ai fait, je suis juste passé en mode combat », a dit M. Fierro en secouant la tête. « Je sais juste que je dois tuer ce type avant qu’il ne nous tue. »

Les autorités détiennent Anderson Lee Aldrich, 22 ans, accusé d’avoir tué 5 personnes, et affirment que 18 autres personnes ont été blessées lors d’un carnage dans le bar qui n’a duré que quelques minutes. Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, ont déclaré les autorités dimanche, si les clients du bar n’avaient pas arrêté le tireur.

La description par M. Fierro de ce qui s’est passé au Club Q correspond étroitement aux récits de la police, des autorités municipales et des propriétaires de la boîte de nuit, qui ont visionné les images de sécurité du massacre. Lorsqu’on leur a montré une photo de M. Fierro lundi, Nic Grzecka, un des propriétaires du bar, a déclaré qu’il ressemblait à l’homme qui a maîtrisé le tireur.

« Je ne connais même pas son nom, a déclaré M. Grzecka. J’aimerais vraiment le rencontrer. »

PHOTO DANIEL BRENNER, NEW YORK TIMES

Le Club Q, à Colorado Springs

Lorsque la fusillade a commencé, M. Fierro a dit qu’il s’est jeté par terre, entraînant un ami avec lui. Alors que les balles fusaient, il a vu le tireur se déplacer dans le bar vers une porte menant à une terrasse où des dizaines de clients s’étaient enfuis. M. Fierro, qui a servi dans l’armée pendant 15 ans, a traversé la pièce en courant, a attrapé le tireur par une poignée à l’arrière de son gilet pare-balles, l’a projeté au sol et a sauté sur lui.

« Est-ce qu’il tirait à ce moment-là ? Était-il sur le point de tirer ? Je ne sais pas, a déclaré M. Fierro. Je savais juste que je devais l’abattre. »

Le tireur, dont Richard M. Fierro estime qu’il pèse plus de 150 kg, s’est étalé sur le sol, son fusil de style militaire atterrissant juste hors de portée. M. Fierro a commencé à se diriger vers le fusil, mais il a vu que le tireur avait aussi un pistolet.

« J’ai pris l’arme des mains du tireur et j’ai commencé à le frapper à la tête, encore et encore », a déclaré M. Fierro.

Comme la bagarre continuait, il a crié aux autres clients du bar de l’aider. Un homme a attrapé le fusil et l’a mis en sécurité. Une drag queen a piétiné le tireur avec ses talons hauts. Pendant tout ce temps, M. Fierro a continué à frapper la tête du tireur pendant que les deux hommes se criaient des obscénités.

Lorsque la police est arrivée quelques minutes plus tard, le tireur ne se débattait plus, a déclaré M. Fierro, qui craignait de l’avoir tué. Le suspect de la fusillade a été placé en détention et restait hospitalisé lundi après-midi.

M. Fierro a expliqué qu’il était couvert de sang à l’arrivée des policiers, qui l’ont plaqué au sol et lui ont passé les menottes. Il a dit avoir été retenu dans une voiture de police pendant plus d’une heure, et a crié et supplié qu’on le libère pour qu’il puisse voir ce qui était arrivé à sa famille.

M. Fierro, qui possède une brasserie locale, a déclaré que lors de déploiements dans l’armée, il s’était fait tirer dessus et avait vu des bombes en bord de route déchiqueter les camions de son peloton. Son dossier indique qu’il a reçu deux fois l’étoile de bronze. Les expériences de combat le hantent toujours, dit-il, et les conséquences psychologiques et physiques des déploiements sont la raison pour laquelle il a quitté l’armée.

Il dit n’avoir jamais pensé qu’il aurait à faire face à ce genre de violence à la maison.

« J’en avais fini avec la guerre », a-t-il déclaré.

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

Lisez l’article original dans le New York Times (en anglais)