(New York) Clown. Charlatan. Imbécile. Putain de crétin.

Selon le premier et le dernier des livres consacrés à la présidence de Donald Trump, ceux des journalistes Michael Wolff et Maggie Haberman, l’ancien locataire de la Maison-Blanche a inspiré ces mots insultants à un homme auquel il voue pourtant la plus grande admiration. Il s’agit de Rupert Murdoch, patron de l’empire médiatique NewsCorp, dont font partie Fox News, le Wall Street Journal et le New York Post.

Or, cette étrange relation a peut-être atteint un point de rupture la semaine dernière. Et l’annonce attendue de la candidature de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2024 pourrait la mettre davantage à l’épreuve mardi. Surtout après l’issue de la bataille pour le Sénat, où certains des candidats néophytes choisis par l’ancien président ont probablement coûté la majorité aux républicains.

La question est donc de savoir si les principaux médias de Rupert Murdoch poursuivront leur attaque coordonnée – du moins en apparence – contre le propriétaire de Mar-a-Lago. La réponse pourrait être déterminante pour l’avenir du Grand Old Party.

« Trump est le plus grand perdant du Parti républicain », a tranché le Wall Street Journal dans un titre coiffant un éditorial publié deux jours après les élections de mi-mandat.

« Il est le plus grand repoussoir de votes de l’histoire américaine moderne », a renchéri le même jour un chroniqueur conservateur du New York Post, tabloïd insolent dont la une était ornée d’une caricature de Donald Trump sous la forme d’un œuf perché sur un mur.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE TWITTER DU NEW YORK POST

La une du New York Post le 10 novembre 2022

« Trumpty Dumpty », a titré le Post en accompagnant la caricature d’un texte parodiant la célèbre comptine anglaise : « Don (qui n’a pas réussi à construire un mur) fit une grande chute — est-ce que les hommes du Parti républicain vont pouvoir recoller les morceaux ? »

Fox News, qui a tant fait pour aider Donald Trump à gagner la présidence et à s’y maintenir, a tourné le fer dans la plaie en chantant les louanges du gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, réélu avec éclat.

« Il est presque certainement devenu le point de ralliement de tous les membres du Parti républicain qui veulent aller au-delà du président Trump », a opiné l’ancien président de la Chambre des représentants, Newt Gingrich, sur la chaîne conservatrice.

Pour l’auditoire

À en juger par ses interventions sur Truth Social, Donald Trump a accueilli ces critiques avec rage. Il n’a pas seulement attaqué Ron DeSantis, dont les propres ambitions présidentielles l’horripilent, mais également NewsCorp, accusant le groupe d’avoir pris fait et cause pour le gouverneur de Floride.

Mais il a réservé ses pointes les plus acérées pour Fox News.

« Pour moi, Fox News a toujours été une cause perdue, même en 2015-2016, quand j’ai entrepris mon “parcours”, mais là, ils sont vraiment partis », a-t-il écrit.

Ça reste encore à voir. Car ce n’est pas la première fois que les médias de Rupert Murdoch tentent de se distancier de Donald Trump. « Nous devrions larguer ce type », a déclaré le magnat après l’élection présidentielle de 2020, selon Confidence Man, le livre de la journaliste du New York Times Maggie Haberman.

Fox News n’a pas suivi ce mot d’ordre très longtemps. Après avoir vu une partie de son auditoire détaler vers Newsmax, un concurrent, la chaîne de Rupert Murdoch s’est mise à propager elle-même les allégations infondées sur l’élection « volée » et les machines à voter « truquées » de Dominion Voting Systems.

L’auditoire de Fox News aura donc un mot à dire dans la façon dont la chaîne traitera Donald Trump après l’annonce éventuelle de sa candidature présidentielle. Partant, il influencera l’orientation du Parti républicain.

Idem pour les animateurs vedettes de Fox News, les Tucker Carlson, Sean Hannity et Laura Ingraham, qui n’ont pas vraiment participé aux tirs groupés sur Donald Trump la semaine dernière. Carlson, par exemple, a estimé que l’ancien président « n’a certes pas été la cause unique de quoi que ce soit ».

Un « imbécile » et un « grand »

Et Rupert Murdoch ? Sa relation avec Donald Trump a pris un tournant après l’élection de 2016, comme l’explique Maggie Haberman dans son livre.

PHOTO MIKE SEGAR, ARCHIVES REUTERS

Le magnat des médias américains Rupert Murdoch, en 2017

« Rupert Murdoch considérait Trump comme un imbécile d’après leurs interactions à New York, mais il rêvait depuis longtemps d’être proche d’un président américain ; pendant un certain temps, lui et Trump se sont parlé trois à quatre fois par semaine. Murdoch était satisfait d’avoir l’oreille du président », écrit la journaliste.

Et Trump était heureux d’avoir l’attention de Murdoch, preuve tangible de son propre succès.

Dans Fire and Fury, son livre sur Donald Trump, Michael Wolff raconte une scène qui se déroule dans la Trump Tower le samedi suivant son élection. Il essaie de retenir les supporteurs venus le féliciter. Rupert Murdoch est censé se pointer, mais il est en retard, « très en retard ».

« C’est un des grands », répète le président désigné à ses invités qui lorgnent la sortie. « Vraiment, c’est un des grands, le dernier des grands. Vous devez rester pour le voir. »

Ce que certains invités comprennent, c’est que Donald Trump veut que ses invités le voient en présence de Rupert Murdoch, qui l’a longtemps considéré « au mieux » comme « le prince des clowns » parmi les New-Yorkais riches et célèbres, selon Michael Wolff.

Six ans plus tard, Rupert Murdoch a-t-il vraiment décidé de larguer enfin Donald Trump ? L’avenir du Parti républicain dépend en partie de cette réponse.

Non aux négationnistes

Dans tous les États clés où ils se sont présentés aux élections de mi-mandat, les négationnistes de l’élection présidentielle de 2020 ont échoué à se faire élire aux postes de secrétaire d’État. Ce poste leur aurait permis de jouer un rôle crucial dans la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2024.

Mark Finchem, membre du groupe d’extrême droite Oath Keepers, fait partie de ce groupe. Présent à Washington le 6 janvier 2021, il a été battu en Arizona par le démocrate Adrian Fontes. Des négationnistes de l’élection présidentielle de 2020 ont également subi la défaite lors des élections pour les postes de gouverneur d’au moins trois États clés — Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin.

La républicaine Kari Lake, autre négationniste, tire légèrement de l’arrière dans la course pour le poste de gouverneur d’Arizona, autre État clé.