(Washington) La tension est encore montée entre l’Arabie saoudite et les États-Unis, qui ont eu jeudi des échanges particulièrement acerbes à propos de la production de pétrole, et plus largement de l’attitude de Riyad envers Moscou.

« Nous sommes sur le point de leur parler », a dit le président américain Joe Biden, interrogé lors d’un déplacement à Los Angeles sur ces tensions, sans plus de précisions.

Les Saoudiens ont fait plus tôt part dans un rare communiqué de leur « rejet total » des accusations des États-Unis.

Washington leur a en retour reproché de fournir à la Russie, via la récente baisse des quotas de production de l’OPEP+, un « soutien économique », mais aussi « moral et militaire », quitte pour cela à « tordre le bras » d’autres pays producteurs.

« L’Arabie saoudite a vu les déclarations […] qui ont décrit la décision comme une prise de position du royaume dans les conflits internationaux et comme politiquement motivée contre les États-Unis », a indiqué le ministère saoudien des Affaires étrangères dans un communiqué aussi long qu’inhabituel.

« Rejet total »

Riyad y exprime son « rejet total » des accusations américaines, assurant que les décisions du cartel des exportateurs de brut étaient « basées purement sur des considérations économiques. »

L’OPEP+ – les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) menés par l’Arabie saoudite et leurs dix partenaires conduits par la Russie – ont décidé la semaine dernière de sabrer leurs quotas de production.

Joe Biden a d’ores et déjà promis des « conséquences » après cette baisse de l’offre qui, dans un contexte de demande mondiale d’or noir toujours soutenue, risque de faire flamber les cours.  

La décision de l’OPEP+, sous-direction saoudienne, équivaut selon le porte-parole du Conseil de sécurité de la Maison-Blanche John Kirby à un « soutien économique » à la Russie, grande exportatrice d’hydrocarbures.

« Cela relève aussi du soutien moral et militaire, car cela permet [à la Russie] de continuer à financer sa machine de guerre », a-t-il ajouté dans un entretien avec des journalistes, en estimant : « Cela a certainement apporté un certain réconfort à M. Poutine. »

Riyad affirme que les États-Unis lui ont « suggéré » de repousser d’un mois la décision de l’OPEP+, qui pourrait aussi faire remonter le prix de l’essence, et donc mécontenter les électeurs américains.  

En clair, d’attendre que passent les élections législatives prévues le 8 novembre et décisives pour la suite du mandat de Joe Biden.

Ce que Washington n’a pas vraiment démenti.

« Ils auraient facilement pu attendre la prochaine réunion de l’OPEP », a indiqué John Kirby, cette fois dans un communiqué au ton particulièrement vif.

« Tordu le bras »

L’Arabie saoudite « peut essayer de manipuler et de détourner l’attention, mais les faits sont simples », a-t-il accusé.

« Ces dernières semaines, les Saoudiens nous ont fait comprendre, en privé et en public, qu’ils avaient l’intention de réduire la production de pétrole, en sachant que cela augmenterait les revenus de la Russie et atténuerait l’impact des sanctions. C’est la mauvaise direction », écrit l’ancien amiral, devenu l’une des principales voix de la Maison-Blanche en matière de sécurité et de diplomatie.

Lors de sa conférence de presse, il a accusé le royaume d’avoir « tordu le bras » d’autres pays membres de l’OPEP pour « obtenir ce qu’ils voulaient ». Il s’est refusé à identifier ces pays, assurant seulement qu’il y en avait plus d’un.

Joe Biden veut désormais « réévaluer » la longue relation stratégique entre les deux pays, basée sur un principe de réciprocité assez simple : l’Arabie saoudite abreuve le marché de pétrole, les États-Unis assurent sa sécurité.

Le président américain s’était rendu en juillet en Arabie saoudite pour relancer la relation diplomatique, et a certainement vécu la décision de l’OPEP+ comme un affront.

Cette visite – et le désormais célèbre salut poing contre poing échangé avec le prince héritier Mohammed ben Salmane – s’avère de plus en plus coûteuse politiquement pour le démocrate de 79 ans.

Il avait pendant sa campagne promis de réduire l’Arabie saoudite au rang de « paria » à la suite de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.

De nombreux parlementaires démocrates lui réclament désormais un gel des ventes massives d’armement à l’Arabie saoudite.