(New York) Herschel Walker, candidat républicain à l’élection sénatoriale de Géorgie, refera-t-il le coup de Donald Trump, c’est-à-dire survivre à un scandale qui aurait dû mettre fin à ses chances d’être élu ?

Lundi soir, le site d’information Daily Beast a publié une allégation sensationnelle : en septembre 2009, la légende du football a donné 700 $ à sa petite amie pour qu’elle se fasse avorter. L’auteur de cette « exclusivité » n’a pas identifié la femme, mais il a mentionné un chèque au nom de cette dernière signé par Walker, un reçu d’une clinique d’avortement, une carte de prompt rétablissement portant la signature de Walker et un témoignage corroborant l’histoire.

La femme anonyme affirme que Walker l’a encouragée à mettre fin à sa grossesse, en disant que le moment n’était pas propice à la naissance d’un bébé.

L’allégation est d’autant plus explosive que Walker est opposé à l’avortement dans tous les cas, sans exception pour le viol, l’inceste ou une menace à la vie de la mère.

Elle intervient dans la dernière ligne droite d’une course serrée qui pourrait déterminer quel parti contrôlera le Sénat après les élections de mi-mandat, le 8 novembre prochain.

Le sénateur démocrate Raphael Warnock, pasteur de l’Église baptiste Ebenezer, où Martin Luther King a prêché, défend le siège en jeu dans ce scrutin en Géorgie.

Propos troublants de son fils

Au cours de la soirée de lundi, Walker, un néophyte politique recruté par Donald Trump, a nié les allégations du Daily Beast et menacé de poursuivre le site pour diffamation.

« C’est un mensonge éhonté et je le nie dans les termes les plus forts possible », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Mais il n’était pas au bout de ses peines. Après son démenti, Christian Walker, son fils adulte, a publié sur Twitter une série de gazouillis troublants, accusant notamment son père d’avoir menacé de tuer des membres de sa famille.

« Tu n’as pas été un “père de famille” quand tu nous as abandonnés pour te taper un tas de femmes, quand tu as menacé de nous tuer, et quand tu nous as forcés à déménager six fois en six mois pour fuir ta violence », a-t-il écrit dans un de ses tweets.

Christian Walker est revenu à la charge mardi matin après avoir été accusé par des défenseurs de son père de se comporter en enfant gâté.

« Il a quatre enfants, quatre femmes différentes, il n’était pas à la maison pour en élever un seul », a lancé l’influenceur numérique dans une vidéo. « Vous n’avez aucune idée de ce ma mère et moi avons vécu. »

La mère de Christian Walker, Cindy DeAngelis Grossman, a déjà accusé Herschel Walker d’avoir braqué un revolver sur sa tempe et menacé de lui faire « sauter la cervelle ».

Herschel Walker a attribué cet épisode et d’autres incidents de violence conjugale au trouble de la personnalité multiple dont il dit être venu à bout.

Monument du football inébranlable ?

Le candidat républicain peut-il survivre aux nouvelles allégations qui le visent ?

« Je dirais que pour la plupart des candidats dans la plupart des courses, c’est le genre de chose qui mettrait fin à leurs chances », a déclaré à La Presse Alan Abramowitz, politologue à l’Université Emory à Atlanta. « Mais je suis un peu réticent à dire cela dans ce cas-ci, car nous avons déjà vu qu’il a été capable de survivre à toutes sortes d’allégations, y compris des mensonges flagrants sur son histoire personnelle. Nous devons attendre et voir. Cela dit, les allégations d’avortement seraient très préjudiciables si elles tiennent la route. »

PHOTO BILL BARROW, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Herschel Walker s’adressant à des partisans, à Emerson, en septembre 2021

Pour l’heure, Herschel Walker conserve ses appuis chez les conservateurs nationaux. Originaire de Géorgie, l’ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich a déclaré que le candidat républicain était la cible de « la campagne la plus vicieuse » de 2022.

« Nous avons déjà vu ce film », a déclaré de son côté Ralph Reed, figure influente chez les chrétiens évangéliques, en faisant allusion à la diffusion en octobre 2016 d’un enregistrement dans lequel Donald Trump se vantait de pouvoir tout faire avec les femmes, y compris « les attraper par la chatte ».

« Ils essaient de faire tomber un homme bon », a ajouté Reed.

Ces derniers mois, les médias ont démontré que Walker avait menti sur le nombre exact de ses enfants, son parcours scolaire, sa feuille de route en affaires et son travail auprès des forces de l’ordre, entre autres.

Mais ses exploits en tant que demi offensif des Bulldogs de l’Université de Géorgie en ont fait un dieu du football dans un État où ce sport est une religion. Il a notamment mené son équipe à un championnat de la NCAA en 1980.

En tant que candidat, il n’est pas plus populaire auprès des électeurs noirs de Géorgie que tout autre candidat républicain. Mais les électeurs blancs, surtout les plus conservateurs, semblent être prêts à tout lui pardonner.

Reste à voir si cela inclut l’interruption d’une grossesse, pourvu que celle-ci soit confirmée. En attendant, le sénateur Warnock jouit d’une minuscule avance de 0,7 point de pourcentage sur Walker, selon la moyenne des sondages du site Real Clear Politics.