L’ouragan Ian, l’une des tempêtes les plus puissantes jamais enregistrées aux États-Unis, a déferlé mercredi sur le sud-ouest de la Floride, inondant les rues et les maisons et privant d’électricité plus de deux millions de foyers.

« J’ai de l’eau jusqu’aux chevilles dans toute la maison. Toute ma communauté est inondée. Je reste assise sur le comptoir de la cuisine, jusqu’à ce que quelqu’un vienne me chercher », raconte à La Presse Nancy Everitt, résidante de Fort Myers en Floride.

L’ouragan Ian, de catégorie 4 sur un maximum de 5 en touchant terre dans la région de Fort Myers, sur la côte ouest de la Floride, mercredi après-midi, a causé des inondations catastrophiques sur son passage. La crue a pu parfois dépasser 3 mètres, a annoncé mercredi soir le gouverneur de l’État, Ron DeSantis. Les vents ont atteint les 240 km/h. En fin de soirée, Ian est passé en catégorie 3, d’après le Centre national des ouragans américain.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE SARINA BRADEN

Maison inondée de Sarina Braden

« L’eau est à hauteur de la poitrine dans la rue. J’en ai jusqu’aux chevilles dans ma maison. Le temps est mauvais, le vent souffle fort. Les voitures sont inondées. Et nous n’avons pas de moyen de sortir », a témoigné Sarina Braden, qui habite à l’est de Naples, à 35 km au sud de Fort Myers. « La sécurité dit que nous devons attendre que les vents se calment avant que quelqu’un essaie de partir », dit-elle.

Le département du shérif de Naples a indiqué sur Facebook qu’il recevait « un nombre important d’appels de personnes piégées par l’eau dans leur maison » et qu’il donnerait la priorité aux personnes « signalant des urgences médicales mettant leur vie en danger dans des eaux profondes ».

PHOTO FOURNIE PAR LOUISE CAUCHON

Maison de Louise Cauchon, à Naples, en Floride

Depuis plusieurs années, Louise Cauchon quitte le Québec durant l’hiver pour s’installer dans sa maison mobile à Naples. Mercredi, son quartier était inondé.

On ne peut rien faire. C’est inquiétant parce que c’est une maison qu’on ne veut pas perdre.

Louise Cauchon, Québécoise qui passe l’hiver en Floride

En fin de soirée, plus de deux millions de foyers étaient privés d’électricité en Floride, principalement autour du passage de l’ouragan, selon le site spécialisé PowerOutage. Plusieurs comtés situés près de l’endroit où Ian a touché terre étaient presque entièrement privés de courant.

À l’abri

Les habitants de la Floride se sont précipités avant l’arrivée de la tempête pour barricader leurs maisons, mettre leurs biens précieux à l’abri dans les étages supérieurs et rejoindre les longues files de voitures quittant la côte. Environ 2,5 millions de personnes ont reçu l’ordre d’évacuer le sud-ouest de la Floride avant que Ian ne frappe.

« On a reçu une alerte lundi de la mairie de Tampa pour nous dire d’évacuer en 24 heures. On a obtempéré », raconte Patrick, un Québécois qui habite en Floride. « On s’est trouvé une chambre d’hôtel de justesse à Orlando », dit-il. La famille y demeurera au moins jusqu’à vendredi.

Josh Brown, un résidant d’Orlando, a commencé à se préparer pour l’arrivée de Ian il y a quelques jours. « Nous avons rentré les meubles d’extérieur dans le garage, mis des piles neuves sur une radio météo, acheté de la nourriture et de l’eau supplémentaires, ainsi que des lampes de poche en cas de panne de courant », détaille-t-il.

Le gouvernement fédéral a envoyé 300 ambulances avec des équipes médicales et était prêt à acheminer par camion 3,7 millions de repas et 3,5 millions de litres d’eau une fois la tempête passée.

« Nous serons là pour vous aider à nettoyer et à reconstruire, pour aider la Floride à se remettre en marche », a déclaré mercredi le président Joe Biden. « Et nous serons là à chaque étape du processus. C’est mon engagement absolu envers les habitants de l’État de la Floride. »

« Un ouragan catastrophique »

« C’est un ouragan catastrophique », dit Bertin Ossonon, météorologue pour MétéoMédia. La force de Ian, au moment où il a touché terre, le place au cinquième rang des ouragans les plus puissants, mesurés en fonction de la vitesse du vent, à avoir frappé les États-Unis.

Quelques heures après son arrivée en Floride, les vents soutenus les plus forts étaient tombés à 210 km/h. « Une des principales sources d’énergie de l’ouragan, ce sont les eaux chaudes. Quand il arrive sur terre, il perd en intensité, parce qu’il n’a plus cette source d’énergie », explique M. Ossonon.

Au total, certains secteurs de la Floride risquent de recevoir de 300 à 500 millimètres de pluie, indique Philippe Gachon, professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal.

[L’ouragan] se déplace très lentement, donc des secteurs seront affectés plus longtemps à la fois par les vents intenses et par les fortes précipitations.

Philippe Gachon, professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Montréal

La veille, la tempête avait frappé Cuba, tuant deux personnes et mettant hors service le réseau électrique du pays. Seules les quelques personnes disposant d’un générateur à essence avaient accès au courant, dans ce pays de 11,2 millions d’habitants. Les vents violents et les pluies intenses ont semé la désolation dans plusieurs localités.

Peu avant de frapper la Floride, les mauvaises conditions ont fait chavirer un bateau transportant des migrants. Mercredi soir, les gardes-côtes recherchaient encore 20 personnes, trois ayant été sauvées et quatre autres ayant réussi à nager jusqu’au rivage.

Le phénomène météorologique continuera de se déplacer dans les terres et émergera au-dessus de l’Atlantique Ouest d’ici à jeudi soir. Il se fera légèrement sentir au Québec dans les prochains jours. « Il y aura un couvert nuageux sous forme de voile sur le sud-ouest de la province en fin de semaine et des températures un peu plus fraîches », a indiqué M. Ossonon.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des ouragans les plus intenses, avec des vents plus violents et des précipitations plus importantes, augmente, rappelle Philippe Gachon. « C’est pour ça qu’il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Sinon, on va voir des phénomènes que l’on n’avait jamais vus dans l’histoire », dit-il.

Avec la collaboration de Delphine Belzile, La Presse

Quand l’onde de tempête atteint-elle son maximum ?

Selon le Centre national des ouragans (NHC) des États-Unis, l’une des caractéristiques les plus mortelles et les plus destructrices d’un ouragan est l’onde de tempête : la montée des eaux provoquée par des vents violents qui poussent l’eau de l’océan vers la côte.

Ces ondes peuvent se produire rapidement, laissant peu ou pas de temps pour agir. Selon le NHC, 15 cm d’eau se déplaçant rapidement peuvent renverser un adulte. Une soixantaine de centimètres peuvent emporter une camionnette ou un VUS.

Alors, comment savoir s’il faut s’attendre à une onde de tempête et quand elle est la plus grave ?

Une onde de tempête s’accumule généralement pendant de nombreuses heures à mesure que l’œil de l’ouragan s’approche de la côte et atteint son point culminant au moment où il touche terre, lorsque les vents les plus forts autour de l’œil soufflent perpendiculairement au rivage, explique Hal Needham, spécialiste des phénomènes météorologiques extrêmes et des catastrophes pour GeoTrek, une plateforme de communication scientifique.

Ces vents poussent l’eau de mer vers le rivage, a-t-il ajouté, créant une rivière déchaînée à travers les collectivités côtières. Étant donné que les vents soufflent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre lors d’un ouragan dans l’hémisphère Nord, les niveaux d’eau augmentent généralement plus du côté droit de l’ouragan, ce qui crée les pires effets pour les communautés de cette région.

Selon le NHC, les zones susceptibles d’être les plus touchées par l’ouragan Ian se trouvent au sud de Tampa, du milieu de Longboat Key à Bonita Beach. Là, l’eau pourrait monter à plus de trois mètres et demi au-dessus du sol.

« Il se déplace violemment », a déclaré M. Needham, notant que certaines collectivités qui s’attendent à une onde de tempête n’ont jamais fait face à une onde aussi importante de mémoire d’homme. « Les impacts peuvent être catastrophiques ».

Livia Albeck-Ripka, The New York Times

Les pires ouragans de l’histoire de la Floride

Andrew, 1992

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Maisons en ruines frappées par l’ouragan Andrew dans le comté de Miami-Dade, en Floride, en août 1992

Cet ouragan de catégorie 5 a frappé le sud du comté de Miami-Dade avec des vents de 270 km/h, causant des dommages estimés à 25 milliards de dollars dans l’État. Quinze personnes ont été tuées directement par la tempête, et des dizaines d’autres ont succombé à des causes indirectes. Andrew a été la tempête la plus coûteuse de l’histoire des États-Unis jusqu’à l’ouragan Katrina, qui a ravagé La Nouvelle-Orléans en 2005.

Charley, 2004

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Dévastation à Port Charlotte, en Floride, après le passage de l’ouragan Charley, en août 2004

Charley était un ouragan d’une puissance inattendue, se transformant rapidement en tempête de catégorie 4 juste avant de toucher terre à Cayo Costa, une île de la côte du golfe de Floride. Neuf personnes ont été directement tuées par la tempête et les pertes ont été estimées à 6,8 milliards de dollars, selon le Centre national des ouragans (NHC).

Wilma, 2005

PHOTO RICK WILKING, ARCHIVES REUTERS

Rues inondées à Everglades City, en Floride, à la suite du passage de Wilma, en octobre 2005

Le bilan de Wilma est heureusement faible – cinq morts directs – pour une tempête de catégorie 4. Malgré tout, la facture des dégâts matériels causés par l’ouragan a été particulièrement élevée, puisqu’elle est estimée à 20,6 milliards de dollars aux États-Unis. Wilma a ravagé la partie sud de l’État, générant des rafales de plus de 161 km/h.

Irma, 2017

PHOTO CARLOS BARRIA, ARCHIVES REUTERS

L’ouragan Irma frappant Miami, en septembre 2017

Irma s’est distingué par sa taille étendue et son mouvement lent, qui ont exacerbé les vents destructeurs et les fortes précipitations de la tempête. Il a laissé 6,5 millions de clients sans électricité dans l’État et a causé des dommages matériels estimés à 50 milliards de dollars, ce qui en fait l’un des ouragans les plus coûteux de l’histoire des États-Unis. Sept personnes sont mortes de la tempête et 80 indirectement, selon un décompte du NHC.

Michael, 2018

PHOTO JONATHAN BACHMAN, ARCHIVES REUTERS

Un drapeau américain flotte parmi les décombres après le passage de l’ouragan Michael à Mexico Beach, en Floride, en octobre 2018.

Michael a été l’ouragan le plus puissant jamais enregistré à toucher terre dans le Panhandle de la Floride, selon le National Weather Service. Le vent et l’onde de tempête ont causé des dommages catastrophiques, notamment dans les régions de Panama City Beach et de Mexico Beach. Huit décès directs ont été signalés : sept en Floride et un en Géorgie. En outre, 43 décès indirects ont été attribués à la tempête.