Les médecins qui pratiquent illégalement un avortement au Texas, où l’intervention n’est autorisée que dans des circonstances exceptionnelles, s’exposent désormais à une peine d’emprisonnement à vie.

Une nouvelle loi entrée en vigueur jeudi en réaction à la décision de la Cour suprême américaine invalidant l’arrêt Roe c. Wade hausse la sanction prévue pour les praticiens fautifs à un niveau inusité.

Elizabeth Nash, une analyste du Guttmacher Institute qui étudie les lois balisant l’accès à l’avortement dans le pays, note que la plupart des États interdisant actuellement l’interruption de grossesse prévoient une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement ou moins.

« La prison à vie, c’est totalement hors de proportion pour des praticiens offrant un service médical. Et c’est terrifiant pour eux », dit-elle.

La menace d’emprisonnement est telle que même une Texane répondant aux exceptions incluses dans la loi pourra difficilement obtenir un avortement dans l’État, note Mme Nash.

Les médecins voudront, souligne-t-elle, se prémunir contre une éventuelle poursuite criminelle, et les hôpitaux où ils pratiquent risquent de s’opposer à toute intervention de ce type de crainte d’engager leur propre responsabilité.

Seules les Texanes dont la vie est menacée en raison de la grossesse sont autorisées à se faire avorter selon la nouvelle loi, qui ne fait pas d’exception pour les agressions sexuelles.

« Criminalisation de décisions médicales »

La loi prévoit par ailleurs l’imposition au médecin fautif d’une pénalité de l’ordre de 100 000 $ qui constitue une menace additionnelle à considérer.

Dans un avis adressé à ses membres en juin après l’invalidation de Roe c. Wade, l’association des procureurs de comté et de district du Texas relevait que cette double sanction semble contraire aux dispositions de la Constitution.

Une demi-douzaine de procureurs texans avaient alors signé une déclaration commune avec des collègues de nombreux autres États condamnant la « criminalisation de décisions médicales personnelles ».

Ils avaient souligné du même souffle qu’ils refuseraient d’utiliser les ressources mises à leur disposition pour tenter de faire condamner des médecins pratiquant des avortements sur leur territoire.

Des élus texans ont rétorqué qu’ils tenteraient de modifier la législation en vigueur pour que les procureurs de districts voisins puissent lancer des poursuites en lieu et place des récalcitrants.

Aucune poursuite contre les femmes... pour l’instant

Tout en durcissant les sanctions prévues pour les médecins pratiquant des avortements, la nouvelle loi texane prévient explicitement qu’il est impossible d’engager des poursuites contre les femmes obtenant l’intervention.

Mme Nash note que les élus républicains, qui multiplient les lois restrictives sur l’avortement depuis plusieurs années, sont réticents à s’engager dans cette voie, sachant qu’elle risquerait de susciter une importante levée de boucliers.

Les poursuites contre des femmes risquent néanmoins de survenir, prévient-elle, à mesure que les États les plus interventionnistes tenteront de légiférer pour les empêcher d’obtenir un avortement dans un État voisin ou d’accéder en ligne à des médicaments.

Les organisations texanes qui offrent une aide financière aux femmes défavorisées pour leur permettre d’obtenir un avortement hors territoire ont entièrement interrompu leurs services de crainte d’être poursuivies.

Tennessee et Idaho

Dans un communiqué publié cette semaine, la présidente du Center for Reproductive Rights, Nancy Northup, s’est alarmée de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi texane, qui survient en même temps que de nouvelles restrictions étaient imposées au Tennessee et en Idaho.

« De grands pans du pays, particulièrement dans le Sud et le Midwest, sont désormais des déserts en matière d’avortement auxquels de nombreuses femmes seront incapables d’échapper », a-t-elle déploré.

Elizabeth Nash souligne que 11 États américains, regroupant plus de 20 % des femmes en âge d’avoir un enfant, ont interdit totalement l’avortement sur leur territoire depuis la décision de la Cour suprême en juin.

Ce nombre, prévient-elle, va continuer à croître puisque plusieurs autres projets de loi allant en ce sens doivent entrer en vigueur dans les mois à venir.

Ultimement, près de la moitié des États du pays vont adopter de telles restrictions, prédit l’analyste.