(New York) Au lendemain du triomphe retentissant de son camp lors du référendum sur l’avortement tenu mardi au Kansas, Rachel Sweet semblait avoir encore du mal à y croire.

« Ce résultat a été une surprise pour la plupart des observateurs, et même pour beaucoup d’entre nous qui sommes engagés dans cette bataille depuis des années », a déclaré la directrice de campagne de l’organisation Kansans for Constitutional Freedom. « Les dés étaient pourtant pipés dès le départ. »

La jeune femme faisait référence à la décision des élus républicains du Kansas de tenir le référendum en même temps que des primaires susceptibles d’attirer beaucoup plus d’électeurs de leur parti que d’électeurs démocrates ou indépendants.

Or, la question référendaire sur l’avortement a mobilisé des électeurs du Kansas qui ne se rendent souvent aux urnes que lors des élections de novembre. D’où ce résultat qui a surpris tout le monde : 58,8 % de l’électorat de cet État conservateur a rejeté une modification constitutionnelle qui aurait pu ouvrir la voie à l’abolition du droit à l’avortement au Kansas, contre 41,2 %.

PHOTO DAVE KAUP, AGENCE FRANCE-PRESSE

Ashley All, porte-parole de l’organisation Kansans for Constitutional Freedom

L’abrogation de l’arrêt Roe c. Wade par la Cour suprême a joué un rôle crucial dans cette mobilisation, selon Ashley All, porte-parole de l’organisation Kansans for Constitutional Freedom.

« La décision d’infirmer Roe c. Wade a été un signal d’alarme pour nos électeurs modérés », a-t-elle dit mercredi.

C’était un rappel à l’ordre pour les électeurs du Kansas qui pensaient vraiment que leurs droits constitutionnels étaient protégés au niveau fédéral et qui ont découvert ce jour-là qu’ils ne l’étaient pas. Je pense que cela a contribué à les motiver et à les mobiliser.

Ashley All, porte-parole de l’organisation Kansans for Constitutional Freedom

Les candidats et les stratèges démocrates espèrent que cette mobilisation s’étendra aux électeurs des autres États américains à l’occasion des élections de mi-mandat, en novembre prochain. Ils notent déjà un changement en leur faveur dans les sondages depuis la décision de la Cour suprême sur l’avortement.

Un changement illustré par un baromètre national de l’Université Monmouth publié mercredi indiquant que 50 % des électeurs préfèrent un Congrès contrôlé par les démocrates contre 43 %.

Les démocrates en bonne posture

Est-ce à dire que les républicains pourraient payer le prix de leur extrémisme en matière d’avortement en novembre ?

Quand la décision de la Cour suprême est tombée, les démocrates ont dit qu’ils allaient faire campagne sur l’avortement. Et voilà que le Kansas apporte la preuve concrète que c’est un thème gagnant.

Ross Baker, politologue de l’Université Rutgers, au New Jersey

« Cela met les candidats républicains dans l’embarras, a ajouté le politologue. Et ça donne un avantage aux démocrates dans pratiquement toutes les banlieues du pays. »

Lors des élections de 2018 et 2020, ces banlieues ont joué un rôle déterminant dans les succès des candidats démocrates. Or, l’avortement ne sera peut-être pas la seule question qui nuira aux républicains à l’occasion des élections de novembre. L’extrémisme de certains candidats choisis lors des primaires républicaines pourrait également peser dans le vote de l’électorat modéré des banlieues.

Un rendez-vous électoral déterminant

Mardi, les électeurs républicains d’Arizona et du Michigan ont écouté Donald Trump et misé sur plusieurs candidats qui avaient notamment refusé de reconnaître la validité de l’élection de Joe Biden à la présidence.

C’est le cas de Kari Lake, Blake Masters et Mark Finchem, qui ont gagné ou sont en bonne position de remporter respectivement les primaires républicaines aux postes de gouverneur, de sénateur et de secrétaire d’État d’Arizona.

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Mark Finchem, candidat républicain au poste de secrétaire d’État d’Arizona

S’il était élu en novembre, Finchem serait chargé, à titre de secrétaire d’État, de l’organisation de la présidentielle de 2024. Membre du groupe extrémiste Oath Keepers, il a participé au rassemblement du 6-Janvier à Washington et a marché vers le Capitole.

Deux autres négationnistes électoraux, Tudor Dixon et Kristina Karamo, ont également remporté leurs primaires respectives au Michigan aux postes de gouverneur et de secrétaire d’État. Un troisième, John Gibbs, a évincé le représentant républicain Peter Meijer, un des dix élus de la Chambre basse à avoir voté pour la mise en accusation de Donald Trump après l’attaque contre le Capitole.

Des promoteurs du « grand mensonge » sur l’élection présidentielle de 2020 pourraient ainsi être élus à des postes névralgiques dans au moins quatre États clés : l’Arizona, le Michigan, la Pennsylvanie et le Nevada.

Mais Ross Baker ne croit guère en leurs chances de succès.

Si Donald Trump se présente en 2024, il perdra. Et les candidats les plus extrémistes ou trumpistes perdront en novembre.

Ross Baker, politologue de l’Université Rutgers, au New Jersey

Cette prédiction, même si elle se réalise, ne garantit pas que les démocrates parviendront à contrer les attaques des républicains sur l’immigration, la criminalité et l’inflation, entre autres sujets qui préoccupent également les électeurs.

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Kevin McCarthy, chef des républicains à la Chambre des représentants

« Ils vont augmenter l’inflation », a déclaré mercredi sur Fox News Kevin McCarthy, chef des républicains à la Chambre des représentants, en faisant référence à un nouveau plan social et environnemental proposé par les démocrates du Sénat. « Ils vont dépenser plus d’argent, ce qui nous a amenés à ce problème. Ils n’ont aucun plan pour résoudre tous les problèmes qu’ils ont créés. C’est pourquoi ce mois de novembre est si important. »

Personne ne doute de l’importance de ce rendez-vous électoral.

Reste à déterminer quel message dominera.