(Washington) La diplomatie américaine cherchait vendredi à apaiser les tensions avec la Chine, irritée par la possible visite de la cheffe des représentants américains Nancy Pelosi à Taïwan, île sur laquelle Pékin revendique la souveraineté.

Mme Pelosi, troisième personne en importance au gouvernement des États-Unis, pourrait s’envoler dès vendredi pour un voyage en Asie qui pourrait inclure une étape à Taïwan, mais elle se refuse à toute confirmation, citant des raisons de sécurité.

Pékin verrait un passage même bref de la présidente de la Chambre des représentants sur l’île comme une provocation. La Chine a annoncé l’organisation samedi d’un exercice militaire « à munitions réelles » dans le détroit de Taïwan.

Pour Washington, la séquence est délicate : Mme Pelosi est une figure centrale de la majorité démocrate du président Joe Biden, mais semble faire un pas de côté dans la confrontation avec Pékin — au risque de compliquer la tâche des diplomates américains qui s’efforcent de ne pas envenimer les relations avec le géant asiatique.

Vendredi, le secrétaire d’État Antony Blinken a dit espérer que les deux pays rivaux soient « capables de continuer à gérer ceci judicieusement, de façon à ne pas risquer un conflit » après plus de 40 ans d’une gestion des « divergences » qui a « préservé la paix et la stabilité, et qui a permis au peuple de Taïwan de prospérer ».

La veille, le président américain Joe Biden avait en outre souligné, à l’occasion d’un rare échange direct avec son homologue chinois Xi Jinping, que la position des États-Unis sur Taïwan n’avait « pas changé » et que son pays « s’opposait fermement aux efforts unilatéraux pour modifier le statut ou menacer la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan ».

« Ligne rouge »

De son côté, Xi Jinping a appelé Joe Biden à « ne pas jouer avec le feu » à propos de Taïwan, et un porte-parole de la diplomatie chinoise avait parlé d’un déplacement de Mme Pelosi sur l’île comme d’une « ligne rouge ».

Les manœuvres militaires prévues samedi seront limitées en superficie, auront lieu à proximité immédiate des côtes chinoises et le communiqué ne cite pas Nancy Pelosi, mais le signal semble clair.

Une telle « rhétorique belliciste venant de la partie chinoise » n’est « vraiment pas utile », a jugé vendredi John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche sur les questions stratégiques.

Il a ajouté que les États-Unis n’avaient observé, à ce stade, aucune activité militaire particulière de Pékin vis-à-vis de Taïwan.

Cette montée des tensions diplomatiques concerne un déplacement qui reste pourtant à confirmer. Interrogée vendredi, la présidente de la Chambre des représentants a refusé de répondre clairement, citant des « questions de sécurité ».

« Je suis très enthousiaste à l’idée de me rendre — si tel est le cas — dans les pays dont vous entendrez parler au fur et à mesure », a déclaré Nancy Pelosi.

Ni la Maison-Blanche ni Antony Blinken n’avaient vendredi confirmé ou infirmé un tel voyage à Taïwan, ni même en Asie.

L’ambiguïté du statut de cette île située en mer de Chine alimente les tensions entre Washington et Pékin.

Une visite similaire en 1997

Taïwan et la Chine continentale sont gouvernés séparément depuis la prise du pouvoir par les communistes à Pékin en 1949 et la fuite sur l’île du gouvernement nationaliste.

Pékin estime que ce territoire de 23 millions d’habitants, doté d’un gouvernement, d’une monnaie et d’une armée propres, est l’une de ses provinces historiques et menace de l’annexer, par la force si nécessaire.

Les États-Unis, comme l’immense majorité des pays au monde, ne reconnaissent pas Taïwan comme un pays. Mais Washington soutient fortement l’île, mettant en avant son statut « démocratique », et reste le plus important partenaire et fournisseur d’armes de Taipei.

Une visite de Mme Pelosi ne serait pas une première. Le républicain Newt Gingrich, alors lui aussi président de la Chambre des représentants, avait visité Taïwan en 1997. La réaction de Pékin avait été relativement modérée.

Nancy Pelosi critique ouvertement le régime de Pékin depuis des années. Elle s’est liée d’amitié avec le Dalaï-Lama et avait en 1991, lors d’une visite à Pékin, scandalisé ses hôtes chinois en déroulant une bannière sur la place Tiananmen en mémoire des manifestants prodémocratie qui y avaient été tués deux ans auparavant.

Si Mme Pelosi se déplace effectivement en Asie et à Taïwan, elle le fera à bord d’un avion militaire américain.