(Houston et Washington) Melissa Lucio, mère américaine condamnée à mort pour le meurtre de sa fille au terme d’un procès controversé faisant l’objet d’une campagne de soutien internationale, a vu son exécution suspendue lundi par une cour d’appel texane, deux jours avant la date prévue.

Les appels à la clémence venus de personnalités comme Kim Kardashian s’étaient multipliés en faveur de cette mère de 14 enfants d’origine hispanique, l’intérêt pour son cas dépassant les frontières américaines.

Un autre tribunal du Texas devra désormais examiner les requêtes de ses avocats, selon des documents judiciaires.

Malgré cette décision, elle reste pour l’instant dans le couloir de la mort.

PHOTO JAY JANNER, ASSOCIATED PRESS

Des soutiens de Melissa Lucio célèbrent dans l’enceinte du Capitole du Texas après que son exécution a été suspendue.

« C’est un premier pas vers l’obtention d’un nouveau procès, mais cela ne signifie pas qu’un nouveau procès a été accordé », plusieurs étapes restant à franchir, a expliqué lors d’une conférence de presse Vanessa Potkin, avocate de l’Américaine.

« Meilleure nouvelle de tous les temps ! ! ! », a de son côté tweeté la vedette de téléréalité Kim Kardashian.

La défense de Melissa Lucio affirme notamment que de nouvelles preuves scientifiques l’innocentent, et qu’un faux témoignage a conduit à sa condamnation. Selon ses soutiens, la mort de sa fille Mariah était un accident, et non un meurtre.

« Je remercie Dieu pour ma vie », a déclaré Melissa Lucio, qui clame son innocence depuis 15 ans, se disant « reconnaissante à la cour de [lui] avoir donné la chance de vivre et de prouver [son] innocence » et « d’avoir plus de jours pour être une mère pour [ses] enfants et une grand-mère pour [ses] petits-enfants ».

Elle « a pleuré et est restée sans voix » en apprenant la nouvelle, selon ses avocats.

Ses proches attendent désormais que « Melissa rentre à la maison », a déclaré sa sœur Sonya Valencia.

Aveux « extorqués »

En 2007, Mariah, âgée de 2 ans, avait été retrouvée morte chez elle, couverte de bleus, quelques jours après avoir chuté dans des escaliers. Melissa Lucio, dont la vie a été marquée par des agressions tant physiques que sexuelles, une dépendance à la drogue et des conditions précaires, avait été immédiatement soupçonnée de l’avoir frappée.

Après un long interrogatoire, la mère de famille avait formulé des aveux « complètement extorqués », selon Sabrina Van Tassel, réalisatrice du documentaire à succès L’État du Texas contre Melissa (2020) et soutien de l’Américaine.

« Je suppose que je l’ai fait », avait répondu Melissa Lucio, interrogée sur la présence des hématomes, aux enquêteurs.

Après un procès controversé, elle avait été condamnée à mort. Mais les handicaps de la fillette, susceptibles d’expliquer sa chute, n’avaient pas été pris en compte par les experts, selon sa défense, qui assure que les ecchymoses ont pu être causées par un trouble de la circulation sanguine. Aucun des enfants de la Texane ne l’avait accusée d’être violente.

Quant au procureur, il a plus tard été condamné à une peine de prison pour corruption et extorsion, dans une affaire n’ayant pas de lien avec celle de Melissa Lucio.

« Injustice historique »

La campagne de soutien à Melissa Lucio avait rassemblé de nombreux élus locaux républicains, traditionnellement plus enclins à défendre la peine capitale. Un des jurés de son procès avait aussi exprimé ses « profonds regrets » de l’avoir condamnée à mort.

En France, l’Américaine avait reçu le soutien de Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice. Lundi, elle a immédiatement salué la décision sur Twitter.

L’exécution de Melissa Lucio au Texas n’aura pas lieu. Comment l’écrire sans me noyer dans les larmes. D’angoisse et de joie.

Christiane Taubira, ancienne ministre française de la Justice, sur Twitter

« Cela aurait été une injustice historique qu’elle soit exécutée pour un crime qu’elle n’a pas commis, un crime qui, en fait, n’a jamais eu lieu », a commenté auprès de l’AFP Burke Butler, directrice de l’association Texas Defender Service.

Il est rare que des femmes soient exécutées aux États-Unis. Seules 17 l’ont été depuis 1976, date à laquelle la Cour suprême a rétabli la peine capitale, selon le Centre d’information sur la peine de mort. Le Texas est à la fois l’État qui exécute le plus et celui ayant exécuté le plus grand nombre de condamnées, avec six mises à mort.

Melissa Lucio aurait été la première femme d’origine hispanique à être mise à mort dans cet État.

« L’exemple de la mobilisation au Texas, aux États-Unis et dans le monde en faveur de Melissa Lucio doit servir à faire réfléchir sur la peine de mort en général, pour tous ceux qui ne sont pas sauvés », a réagi Raphaël Chenuil-Hazan, directeur exécutif de l’association française Ensemble contre la peine de mort.