Depuis le 11 avril, les États-Unis sont le 16e pays du monde à proposer la mention de genre neutre sur leur passeport officiel. Cette mesure visant l’inclusion des personnes non binaires, d’abord mise en place par l’Australie en 2011, est en vigueur au Canada depuis 2017.

Aux États-Unis

Le « X » nouvellement ajouté au passeport représente une identité ni masculine ni féminine. Pour le département d’État américain, qui l’avait promis à l’automne, c’est un pas de plus vers la reconnaissance des droits des personnes marginalisées. D. Ojeda, une personne non binaire qui s’est entretenue avec l’AFP, juge cette avancée « incroyable ». Cet individu, l’un des premiers à demander la mention « X » pour ses documents officiels, déplore que sa famille « ne reconnaisse pas » son identité. « Au moins, l’État reconnaît qui je suis », explique D. Odeja. Gabriel James Galantino, coordonnateur de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), croit que la mesure sera accueillie différemment selon les États américains « Le fait qu’on a un gouvernement démocrate avec Joe Biden, c’est toujours un peu mieux en termes de droits pour les communautés marginalisées. » Environ 1,2 million de personnes se définissent comme non binaires au sud de la frontière canado-américaine, selon une étude de l’Université de la Californie.

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Gabriel James Galantino, coordonnateur de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres à l’Université du Québec à Montréal

Une mesure bien reçue

« La reconnaissance légale, c’est extrêmement important, soutient Gabriel James Galantino. On le voit dans plusieurs études. C’est un grand facteur de protection contre la discrimination, pour la santé mentale et pour la résilience. » Céleste Trianon, vice-présidente du conseil d’administration de TransEstrie, va dans le même sens. « C’est bon de permettre à certaines personnes d’avoir une identité reconnue au niveau fédéral. Être reconnu légalement, c’est fort bénéfique pour la santé mentale. »

PHOTO FOURNIE PAR CÉLESTE TRIANON

Céleste Trianon, vice-présidente du conseil d’administration de TransEstrie

Certaines difficultés persistent

Ce ne sont toutefois pas toutes les personnes trans ou non binaires qui souhaitent affirmer leur identité sur des documents officiels, même si elles ont la possibilité de le faire. « Si je vais en Allemagne, qui reconnaît aussi mon X, c’est moins inquiétant, explique M. Galantino. Mais si je vais dans un pays où ce ne l’est pas ? Est-ce que ça va compliquer les voyages à l’international ? Je pense que oui, surtout dans les pays où les droits de la personne sont moins bien respectés. »

Au Canada

Le 31 août 2017. C’est la date à laquelle la possibilité d’utiliser la case « X » est entrée en vigueur sur le territoire canadien. À l’époque, le gouvernement libéral avait indiqué « prendre une mesure importante pour favoriser l’égalité pour tous les Canadiens, indépendamment de leur identité ou leur expression sexuelle ». Devant ce genre de décision, Céleste Trianon constate ce qu’elle appelle une « nouvelle vague d’acceptation » des personnes trans. « C’est quelque chose qui s’est beaucoup amélioré dans les cinq dernières années. Le désapprentissage des normes sociétales instaurées au préalable y contribue beaucoup. Et ici au Québec, on fait beaucoup d’efforts de sensibilisation », pense-t-elle. Ce qui manque au pays, c’est une représentation statistique de la réalité des personnes marginalisées dans leur identité de genre. M. Galantino souligne que Statistique Canada prépare une étude à ce sujet, qui doit paraître « par fragments vers la fin du mois d’avril ».

Ailleurs dans le monde

Avec les États-Unis, il y a désormais 16 nations qui autorisent l’identification à un troisième genre dans le monde, selon le magazine britannique The Economist. Outre le Canada, il s’agit des pays suivants : Allemagne, Argentine, Autriche, Australie, Colombie, Danemark, Inde, Irlande, Islande, Malte, Népal, Nouvelle-Zélande, Pakistan et Pays-Bas.

Et pour la suite ?

Céleste Trianon ne se fait pas d’illusions. Elle sait que ce ne sont pas tous les pays du monde, dans le contexte géopolitique actuel, qui offriront dans un avenir proche l’option du « X » dans leurs documents d’identification officiels. « Je ne suis pas tellement optimiste, mais j’espère que ça va être répandu dans les 20 prochaines années », indique-t-elle. Gabriel James Galantino, lui-même un homme trans, considère la reconnaissance de l’identité comme cruciale. « Si, magiquement, on avait une reconnaissance mondiale légale des personnes non binaires, ce serait merveilleux. » Céleste Trianon renchérit : « On veut que les personnes trans n’aient plus besoin d’avoir peur d’être trans. On ne demande pas plus de droits que les autres. On veut juste l’équité et une reconnaissance de base. »

Avec des informations de l’Agence France-Presse