(Washington) Vladimir Poutine, un « criminel de guerre », un « boucher » qui ne devrait pas « rester au pouvoir », et désormais coupable de « génocide » : Joe Biden attaque avec toujours plus de virulence le président russe, prenant souvent ses alliés, et ses collaborateurs, par surprise.

Quand le président des États-Unis s’avance mardi vers les journalistes qui l’attendent pour rentrer à Washington, après une visite dans l’Iowa, État rural du Midwest, la question fuse : pense-t-il vraiment que Vladimir Poutine commet en Ukraine un « génocide » ?

Un peu avant, presque en passant, au détour d’un discours sur l’inflation et sur les biocarburants, entre un tracteur et un tas de maïs, le commandant en chef des États-Unis avait, pour la première fois, utilisé le terme.

« Le budget de votre famille, votre capacité à faire votre plein d’essence, rien de tout cela ne devrait dépendre du fait qu’un dictateur déclare la guerre et commet un génocide à l’autre bout du monde », avait-il déclaré.

Très vite, la Maison-Blanche promet aux journalistes présents une clarification. Sous l’aile d’Air Force One, Joe Biden enfonce le clou : « Oui, j’ai appelé ça un génocide. »

Il relève certes que « les juristes, au niveau international », trancheront sur la qualification de génocide, mais lance avant d’embarquer : « Pour moi, cela y ressemble bien. »

« Une analyse juridique est en cours sur la base de la collecte méticuleuse de preuves », a dit mercredi l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), Michael Carpenter.

« Cela va prendre du temps de mener cela à bien, mais entre-temps, le président a pris une position morale très claire », a-t-il également déclaré à des journalistes.

« Pour l’amour de Dieu »

Joe Biden a ainsi qualifié Vladimir Poutine de « criminel de guerre » le 16 mars, puis de « boucher » le 26 mars, à chaque fois à l’occasion d’échanges brefs et spontanés avec la presse.

Bien avant, par exemple, que les Occidentaux ne réagissent avec horreur, début avril, à la découverte de nombreux corps à Boutcha, cette ville proche de Kyiv reprise par l’armée ukrainienne.

Le président américain a aussi fait le 26 mars cette sortie fracassante, en conclusion d’un discours par ailleurs très calibré à Varsovie : « Pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir. »

Dans ce dernier cas, le démocrate a visiblement pris de court ses collaborateurs.  

Alors que son convoi fonçait vers l’aéroport de la capitale polonaise, la Maison-Blanche a mis au point en toute hâte des éléments de langage distribués aux journalistes, pour assurer que non, Washington n’appelait pas à un changement de régime en Russie.

Un peu plus tard, Joe Biden expliquera : avec ces mots, « j’exprimais mon indignation ».

Sur l’utilisation des termes de « criminel de guerre » et de « génocide », même ressort : le président dit qu’il livre son ressenti, qui serait donc, en quelque sorte, déconnecté des caractérisations légales ou des implications diplomatiques.

Rien de très étonnant pour le démocrate de 79 ans. Il assume, sur nombre de sujets, pas seulement internationaux, de « parler avec le cœur ».

Sa porte-parole Jen Psaki, bombardée de questions mercredi sur la dernière sortie de Joe Biden, et notamment sur la manière dont il a glissé le mot de « génocide » entre deux considérations sur le coût de la vie pour les ménages américains, a estimé, un rien sur la défensive : « Il est le président des États-Unis et le leader du monde libre, il peut exprimer ses opinions quand bon lui semble ».

Quitte à déstabiliser ses alliés – mercredi, le président français Emmanuel Macron, qui avait déjà critiqué à mots couverts l’utilisation du terme de « boucher », a refusé de reprendre à son compte celui de « génocide », faisant valoir qu’un tel vocabulaire compliquait la perspective de négociations, à l’avenir, avec Vladimir Poutine.

« Je veux essayer au maximum de continuer à pouvoir arrêter cette guerre et à rebâtir la paix, donc je ne suis pas sûr que l’escalade des mots serve la cause », a-t-il dit, rejoint en ce sens par le chancelier allemand Olaf Scholz.

Avec ces sorties qui suscitent immanquablement l’indignation de Moscou, et souvent la gratitude de Kyiv, le président américain cherche aussi à « répondre » à des « pressions » du Congrès qui le pousse à accroître son soutien à l’Ukraine et durcir le ton avec Vladimir Poutine, estime un diplomate européen.

Comme Joe Biden a d’ores et déjà exclu d’envoyer des soldats en Ukraine, il lui reste les envois, massifs, d’armement à Kyiv. Et les mots.