(New York) Le Texas ne devait-il pas devenir la prochaine Géorgie ? Après les succès électoraux des démocrates dans le Peach State en 2020 et en 2021, la question faisait rêver certains stratèges et militants du parti de Joe Biden. Mais les résultats des premières primaires en vue des élections de mi-mandat, tenues mardi dernier dans le Lone Star State, ont de quoi les ramener sur terre.

Ces résultats, cela s’entend, ont été largement éclipsés par la sixième journée de l’agression russe en Ukraine et le premier discours sur l’état de l’Union de Joe Biden. Il vaut cependant la peine d’y revenir, car ils comportent des leçons à retenir pour la suite d’une année électorale qui mettra en jeu, le 8 novembre prochain, le contrôle des deux chambres du Congrès américain et plusieurs postes de gouverneur, entre autres.

À droite toute

Un des gouverneurs sortants, Greg Abbott, devrait être réélu sans trop de mal. Mardi dernier, ce Texan de 64 ans a facilement triomphé lors d’une primaire républicaine qui l’opposait à sept adversaires. Leur grand nombre témoignait de leur conviction que le gouverneur était vulnérable.

Mais Greg Abbott a obtenu les deux tiers des voix en adoptant les positions de ses rivaux les plus conservateurs. Ainsi, après avoir promulgué la loi la plus restrictive des États-Unis en matière d’avortement, assoupli encore plus les lois de son État sur les armes à feu et imposé des restrictions sur la façon d’enseigner l’histoire du racisme dans les écoles publiques de son État, il s’est attaqué aux transgenres.

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Greg Abbott lors d’un rassemblement électoral à Corpus Christi le soir des primaires du Texas, le 1er mars dernier

Le 22 février dernier, il a signé une directive assimilant certaines procédures de « changement de sexe » pour mineurs à de « mauvais traitements » pénalement répréhensibles. Selon sa directive, les services de l’État doivent désormais « enquêter sur les parents d’enfants soumis à ces procédures abusives ».

Un État sur le point de passer du rouge au bleu ne devrait-il pas se rebeller contre ce virage vers l’extrême droite ?

C’est sans doute ce que plaidera l’ancien représentant Beto O’Rourke, vainqueur de la primaire démocrate pour le poste de gouverneur. Mais ses chances de battre Greg Abbott ne sont pas considérées comme sérieuses.

L’ancien représentant du Texas a certes chauffé le sénateur républicain Ted Cruz en 2018, mais il ne s’est jamais remis du flop de sa campagne présidentielle de 2020.

À gauche toute

C’est à la fois un paradoxe et le reflet de la polarisation croissante du débat politique américain. Au moment où le Texas s’apprête à réélire un gouverneur ultraconservateur, les démocrates pourraient envoyer à la Chambre des représentants trois des candidats les plus progressistes de l’histoire de l’État.

L’un d’entre eux a déjà remporté la primaire démocrate dès le premier tour, ayant récolté plus de 50 % des voix nécessaires. Greg Casar, fier membre des Socialistes démocrates d’Amérique, est assuré d’être élu en novembre prochain. Il représentera la 35e circonscription du Texas, bastion démocrate comprenant Austin et San Antonio.

Jasmine Crockett, une autre candidate progressiste, est largement favorite pour remporter la victoire au deuxième tour dans un autre château fort démocrate, situé à Dallas celui-là.

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Jessica Cisneros, Alexandria Ocasio-Cortez et Greg Casar, lors d’un évènement de campagne à San Antonio, le 12 février dernier

Mais c’est vers la 28e circonscription du Texas, dans le sud de l’État, que les yeux des démocrates se tourneront le 24 mai prochain, date du deuxième tour des primaires texanes. Ce jour-là, Jessica Cisneros, appuyée par plusieurs ténors progressistes, dont Bernie Sanders, Elizabeth Warren et Alexandria Ocasio-Cortez, célébrera son 29e anniversaire de naissance en affrontant le représentant sortant Henry Cuellar.

Opposé à l’avortement et à la syndicalisation, Cuellar est la bête noire des progressistes.

Mais certains démocrates se demandent si le parti pourra conserver son siège si celui-ci est défendu par une candidate trop à gauche. Une version de cette question sera soulevée dans plusieurs autres circonscriptions aux États-Unis d’ici les élections de mi-mandat.

L’influence de Donald Trump

« Grosse soirée au Texas ! Les 33 candidats appuyés par Trump ont tous remporté leur primaire ou sont fortement en avance pour le deuxième tour. »

Donald Trump a célébré ainsi les résultats des primaires républicaines du Texas. Son intention de peser sur la sélection des candidats républicains pour les élections de mi-mandat n’est pas un secret.

Mais son influence n’a pas vraiment été mise à l’épreuve au Texas, la plupart de ses candidats étant largement favoris pour l’emporter dès le premier tour.

L’ancien président n’est cependant pas parvenu à éviter un second tour au procureur général du Texas, Ken Paxton. Ce dernier devra affronter le 24 mai George P. Bush, neveu de l’ancien président George W. Bush et fils de l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush.

Paxton est ce même homme qui a déposé un recours devant la Cour suprême pour invalider les résultats électoraux dans plusieurs États clés de l’élection présidentielle de 2020. Il fait l’objet d’une enquête du FBI pour corruption, en plus d’avoir été inculpé pour fraude en matière de valeurs mobilières.

Attention au cadavre !

Donald Trump n’a appuyé aucun des candidats à la Chambre des représentants dans la primaire républicaine pour la 3e circonscription du Texas, comprenant la banlieue nord de Dallas.

Cela dit, il ne devait pas porter dans son cœur le représentant républicain sortant, Van Taylor. Celui-ci a voté non seulement pour la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020, mais également pour la création d’une commission indépendante pour enquêter sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

Van Taylor n’a pas réussi à gagner sa primaire dès le premier tour, mais il était en bonne position pour remporter le deuxième. Or, ce conservateur marié et père de trois filles a décidé de mettre un terme à sa campagne de réélection mercredi dernier dans la foulée des révélations d’un site conservateur sur sa relation adultère avec la veuve d’un recruteur américain du groupe État islamique.

Avoir un cadavre dans le placard n’est pas conseillé aux politiciens. Surtout pas à ceux qui ont pu déplaire à Donald Trump.